Félix Fénéon le tweetos

Sans le savoir, au cours de l'année 1906 Félix Féneon inventa le tweet. Pour preuve : M. Jules Kerzerho présidait une société de gymanstique et pourtant il s'est fait écraser en sautant d'un tramway, à Rueil. Ou – moins tragique – : Mme Olympa Fraissez conte que, dans le bois de Bordezac (Gard), un faune fit subir de merveilleux outrages à ses 66 ans. Il est vrai que c'est un des chiffres du diable et de sa queue.

De telles nouvelles en 3 lignes ont-été publiées dans "Le Matin" et sous ce titre afin de résumer des faits-divers en moins de 140 signes typographiques. Donald Trump peut donc retrouver en Fénéon un ancêtre. L'auteur résume des faits le plus souvent dramatiques avec un humour où se révèlent l'alcoolisme, la pauvreté, la haine ou l'amour qui conduisent à l'assassinat comme à la rébellion.

Celui qui fut un poète et esthète peu avide de signer ses travaux, le fait ici. Ses mini-textes suffisent à tout dire d'un fait divers : cause; conséquence, lieu. Le tout par le choix des mots et la scansion de la ponctuation. Le tout sans commentaire ou presque : au lecteur d'imaginer le "reste" : Susceptible comme un mari, Louis Dubié a poignardé dans la rue de Flandre sa maîtresse Florence Prévost.

Chacune de ses brèves subvertit ou promeut la chronique des faits divers obscurs ou destructeurs : Ce n'est pas la charcuterie, c'est la chaleur qui a donné la diarrhée aux canonniers brestois, a décidé leur médecin-major.
Mais la tristesse n'étant pas de son fait, Fénéon reste le brillant écrivain de l'existence sous forme de flash qui font bien plus que séduire. C'est un régal excentrique.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Félix Fénéon, Pourtant, elle respire encore..., éditions Espaces et Signes, janvier, 2018, 80 p.-, 12 euros

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