Conceiçao Evaristo : les rêves des exclues

Ces nouvelles ne sont pas de simples fenêtres de rêve face à ce qui s'étiole ou pend au mur de l'être féminin réduit à une loque. Conceiçao Evaristo écrit à cœur couvert les corps désaccordés parce que spoliés, réduits à des enclos. Ils sont contraints à d'obscurs accords et de cruelles conciliations.
Il s'agit pour l'auteur de venir à bout d'une immobile noirceur dans le renvoi du corps féminin au brouillon d’une  chair qui ne lui appartient pas. Aux abords de soupirs douloureux, l'écriture soulève les données archaïques, déchire la camisole des cauchemars où la femme est enfermée.

Ce qui n'empêche pas, ça et là, au réalisme magique de poindre pour comprendre comment tintinnabule le désir à la margelle de la gorge avant que les rêves se dissolvent dans l'aboiement des hommes : ceux qui scarifient et séparent les femmes de qui elles sont.

Certains encerclements se scindent, des paupières s'ouvrent par delà la camisole des cauchemars. Manière de faire sourdre l’innommable et d'inviter à la présence en des puits d’une parole rare qui disperse les amnésies et les dissonances programmées.

Jean-Paul Gavard-Perret

Conceiçao Evaristo, Ses yeux d'eau, nouvelles traduites du portugais par Izabella Borges, éditions Des femmes / Antoinette Fouque, mars, 2020, 160 p.-, 15 euros

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