Prigent en liberté

Se présentant sous forme de journal, le livre semble posséder un titre parfait et qui répond d'abord à la formule de Khelbnikov que l'auteur cite : Nous avons besoin de point d’appui, c’est-à-dire de journaux intimes.

Mais cette dénomination peut tout autant se lire de manière "négative" : à savoir que pour se chercher il n'existe aucun appui. L'homme doit plonger dans son abîme.

Rêves notés le matin même,  pensées du jour, anecdotes comiques, critiques de films et de livres, souvenirs, visions mais aussi  poèmes et interludes montrent que les voies du journal sont plus impénétrables qu’il n’y paraît.

Elles passent ici par la genèse des formes et leur système. Et ce à travers diverses pistes. Elles se démultiplient en dissonances essentielles. Elles font des tours de manège entre les essences et les apparences qui au besoin s’opposent quant à la manière de les appréhender suivant les «genres» ou thématiques que Prigent insère.
À la littérature basique qui présuppose un «objet», la «poétique» de l'auteur oppose une vacance qui est néanmoins couverte en divers champs d’expérience, d’appréhension, de compréhension et d’émergence.

Chaque élément du «discours» devient une zone de fouilles capables d’atteindre le vortex de la machinerie de l’écriture donc celle de l’être, du réel et de leur transfiguration. Le Journal devient le signe de l’ordre de la régénérescence comme celui du chaos. Bref le lieu où tout commence.

Pour figurer ce jaillissement et soulever cet abîme de feu Prigent récupère diverses formes minoritaires. Il prend donc à rebours la tradition diariste souvent plus régulière.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Christian Prigent, Point d'appui 2012 - 2018, P.O.L éditeur, novembre 2019, 464 p.-, 22,90 €

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