Les Mille : Patrick Varetz le rousseauiste

Patrick Varetz est né en 1958 à Marles-les-Mines, dans le Pas-de-Calais. Selon sa légende il a passé sa première nuit dans un carton à chaussures (pointure 41 – ce qui laisse présumer d'un beau bébé). Depuis il a bien grandi, vit toujours du côté de Lille et a écrit des livres importants sous forme de ne pas y toucher : La malédiction de Barcelone, Sous vide, Petite vie.

Mais la fiction s'est doublée d'un projet poétique. Il prit éditorialement le jour en 2013 avec Premier mille. L'auteur avait décidé d’écrire mille poèmes parce que l'écriture est chez lui une maladie dont il ne guérit pas et parce que l’idée d’un gros recueil de poésie ne lui déplaisait pas – et c'est un euphémisme.

Dans ce corpus, au début, le vers était libre là où l’instinct faisait figure de volonté. Puis peu à peu, la longueur de chaque vers a évolué et le texte s'est scindé en tercets dont l'auteur devient l'orfèvre. On croirait le corps glissé dans un corset, les vers imparfaitement justifiés évoquant le relief des vertèbres, écrit celui qui saucissonne le toutim. Mais selon une prétérition majeure : exit – ou presque – le Je. Varetz lui préfère l'adresse du Tu pour le frapper de ses sujets de prédilection : colère et renoncement, vide et imposture, haine du père, de la maladie, de la mort comme de l’art poétique.

Au besoin – juste pour s'amuser – il peut opter pour des variations sur le livre de Job, de Walt Whitman, ou Victor Hugo. Le retour à la poésie prend donc ici un aspect particulier. C'est une sorte d’expérience littéraire d’exploration de soi et d'approfondissement du chaos intérieur par la bande.
Mais le Premier mille n'a pas suffit. Le Deuxième respecte le même principe au sein de ses recherches métriques et rythmiques sur le tercet et autour des sujets de préoccupation de l'auteur. Il trouve là une propitiation particulière : ce qui ne peut saisir autrement, le poème en façonne le visage et le sculpte . Varetz fait face au grand réel et lui répond dans une forme risquée pour lui donner une contre-partie dans le jeu engagé de l'écriture et la vie.