Katharina Ziemke : l’insaisissable de l’émotion

Katharina Ziemke est une artiste allemande qui vit à Berlin après des études d’art à l’ENSBA de Paris. Elle est exposée dans le monde entier car très vite ses peintures à l’aspect émaillé et cireux créent des carnations étranges qui situent dans un monde improbable mais prégnant.

Sommes-nous déjà dans le conte ou encore dans la réalité ?
Rien n'est sûr. Toutes ses séries comme aussi ses dessins à l’encre de Chine créent le trouble dans des jeux de variation et de la dilution des figures.
Hamlet (en portraits du comédien Laurence Olivier, en costume de ville) devient un être qui altère le mythe où s’insère plus profondément le réel par tout un jeu de variation.

Au côté du dramaturge Thomas Ostermeir elle a créé divers décors pour des pièces d’Ibsen, de Tchekhov, d’Arthur Schnitzler. Pour La Mouette elle imagina de grands dessins qu’un opérateur réalisait en direct pendant le spectacle si bien que l’image y devint et protagoniste dans l’histoire. Elle prolonge désormais ses recherches pour le spectacle et l’image agissante par des aplats de couleur au pastel sur le papier recouvert ensuite d’une couche de cire noire que l’artiste grave pour qu’apparaissent des spectres sombres et colorés.

Mais ici les couleurs ne consolent pas.
Leur mariage avec le noir consument les apparences, ignorent la paix là où s’intruisent des mouvements de chaos. Une intériorité émerge au sein d’une poésie de nature défaite par les creux de galeries au sein de dépouilles de figurations.

Sur des arrières fonds surgissent parfois des rougeoiements, parfois des laves noires. Reste un champ flambant de mirage et de vie. Il répond de l'être, de sa part la plus secrète, la plus rebelle entre désarroi et espoir. Tout est "pas du pas", nudité de nuées doucement lointaines pour la traversée des nocturnes.

L'artiste racle l'image.
Sa texture permet de comprendre, petit à petit, l'obscur comme la lumière de ce qui s'ignore encore. Tout s'enflamme ou s’éteint ne formant plus qu'une unité d'ombres et de lumières réunies sur le support. L’œuvre devient matière et mouvement.
Elles traduisent l'état, l'âme, la présence, l'entendement.

Il s’agit de manger l'air, de ressentir ce besoin constant du temps qui attend l'étreinte du paradis perdu ou d’un enfer. Qui peut le connaître ?
Qui peut le voir ?
À quelle porte vient-il frapper ?
Toujours est-il que imagination va bien au-delà de la réalité qui nous saisit corps et âme. Le corps en est saisi sans raison là où l’œuvre crée des émotions insaisissables.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Katharina Ziemke, Galerie Isabelle Gounod, Paris, 2018.

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