La poétique des ruines d'Enzo Crispino

Par longues et méthodiques séances de poses Crispino va chercher  la beauté là où elle n'est plus attendue. Elle surgit dans l'abandon à tout ce qui reste là où il existe toujours quelque chose d'autre à montrer jusque dans les disparitions.
Crispino ne se contente pas de simples variations sur la répétition de ses découvertes. Il y ajoute par ses images un supplément de réalité dont il perce l'apparence. Il prouve que l'imagination ne meurt pas même lorsqu'elle est confrontée  aux ruines. Déplaçant en apparence le champ esthétique vers d'autres, le photographe en produit les débordements. Et il pousse ainsi le langage photographique dans ses retranchements. S'instaurent des transformations. Il ne s'agit pas décliner du réel en déréliction mais de le métamorphoser. Preuve s'il en est que le beau est toujours bizarre (Baudelaire).
En conséquence Crispino peut être considéré comme le photographe des seuils. Au lieu de s'abandonner au flux des images, il s'arrête devant pour en souligner le vide extatique qu'elles recèlent. Ses photos gardent un œil (et quel œil !) sur le monde mais sans succomber à son attraction.
Ce travail entraîne au delà du monde exhibé et dénoncé sans jamais le quitter. Le photographe en épouse le suspens, attentif à en repérer les signes souvent inaperçus. L’authentique extase du monde passe par le fait de le laisser dans sa distance et d’éprouver en quoi cette distance peut parler.,

Jean-Paul Gavard-Perret

Enzo Crispino, La belleza perduta, Corsiero Editore, 2020, 100 p.-,  30 €

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