Paul Claudel, "L’Echange" : c'est aussi une méditation sur les femmes et l’argent

Avril 1893. Paul Claudel arrive à New York. Nommé vice-consul : c’est son premier poste à l’étranger. Il a vingt-quatre ans. Un critique hollandais de renom, Byvanck, parle de lui avec enthousiasme. Il voit en lui le bouillonnement de la folie que recèle le génie poétique. Déjà. Il faut dire que Claudel a publié Tête d’Or en 1890 et qu’un petit cercle d’initiés l’a accueilli avec admiration.
Paradoxalement, Claudel est un as de l’économie. Et son arrivée en Amérique l’excite énormément. Pour donner corps à ses idées il rêve de trouver de nouvelles images. Une nouvelle poésie dans le Nouveau Monde. L’Echange est achevé à Boston en juillet 1894. Il sera donc le fruit de ses découvertes et de ses réflexions lors de son séjour américain. Un drame nourri des expériences et des lectures effectuées à New York. Une écriture qui inaugure une nouvelle esthétique et illustre les tentations, les méditations et les aspirations d’un jeune homme au moment de son premier exil.


Loin de chez lui, Claudel, conscient que son apprentissage littéraire est terminé, veut peindre une fresque à la fois précise et stylisée des paysages, des mœurs et de la société qu’il découvre. A laquelle il saura intégrer d’autres influences passées. Comme celles que l’on peut déceler dans le détail des images et des situations. Il y aurait bien là quelques souvenirs épars de Shakespeare que Claudel s’est "amusé" à traduire mot à mot. D’autres emprunts s’identifient aussi. Comme - en maintes expressions du dialogue - une allusion à tel ou tel passage de la Bible.


"L'intérêt d’un drame", affirmait Claudel, "doit dépasser l’anecdote qu’il raconte." Et, en effet, la pièce est assurément bien plus riche de sens que ne le laisserait supposer la minceur de son argument. Par-delà le scénario de la "double inconstance", elle exprime les multiples aspects de l’expérience de son auteur. Outre l’aspect géographique, c’est aussi l’expression des sentiments contrastés du jeune homme. Il est, en effet, simultanément en proie à la mélancolie de l’exil, aux tentations de la liberté et aux exigences de la religion...
C’est aussi une méditation sur les femmes et l’argent. Sur les souffrances de l’amour et les vertus du mariage. Et surtout sur les valeurs de la vie.


Annabelle Hautecontre


NB
Pour les inconditionnels du théâtre de Paul Claudel, signalons la nouvelle publication des deux tomes de la Pléiade qui regroupent l’intégralité de son œuvre .


Paul Claudel, L’Echange, Première version, édition de Michel Lioure, coll. "théâtre" n°131, Folio, juin 2011, 256 p. - 7,30 €    

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.