Raphaële George toujours vivante

Celle qui épousa Jean-Louis Giovannoni et qui exerça le métier d'institutrice avant d'obtenir un CAPES d’Arts Plastiques et devenir professeur dans un collège publie son premier livre (Le petit vélo beige) en 1977. Elle écrit aussi des articles avant de fonder Les Cahiers du double.

Parallèlement à ses activités littéraires, elle peint (Draps, Suaires…) et expose fréquemment en solo ou en groupe. Uniquement le manque de moyen financier lui empêche de mener à bien des entreprises plastiques qui lui tenaient à coeur.
Elle lance néanmoins une petite maison d’édition ("Bibliothèque du Double") où ne paraîtra - là encore faute de fonds - qu'un seul livre ("Confession publique" d’André de Richaud). Mais trop vite atteinte d'un cancer, cette artiste et auteur exceptionnelle quitte le monde.

Les éditions Unes éditent Les Nuits échangées dans la première version achevée que la poétesse avait dactylographiée. Le texte, est encore signé Ghislaine Amon. Il est dédié à Alain Dreyfus. Elle retravaillera le manuscrit quelques mois plus tard. Il paraîtra aux éditions Lettres Vives en 1985, dans Éloge de la fatigue sous son nouveau nom.

Toute la force mystique et physique de l'auteur est là dans l'anticipation d'une réalité qui allait l'arracher à la vie : "Alors, dormir, / s’avancer vers le fond / avec l’espoir / que demain nous sauve / et nous rende / cette vie manquée la veille."

 

 

Raphaële Georges parait victime d’une sorte d’empêchement intérieur et indéfectible. L’Imaginaire lui servit à tenter de construire une vie. Jamais plus que chez elle la formule « Imaginations mortes imaginez » (Beckett) lui allait tant par son travail que pour les oeuvres qu'elle défendait.
Ses mots arrachés au silence voulurent tapisser la maison des êtres. Et celle qui par ses noms d’emprunt fut d’une certaine manière une ombre, un ersatz, une fiction de sa fiction se livre ici comme dans son journal intime - "Je suis le monde qui me blesse" - (Chez le même édsiteur) ) à une quête majeure et douloureuse.

L'écriture bouscule l’apparente logique du monde comme la conformité des genres (que ce soit la peinture, le journal ou le poème). Tout reste autant allusif que possible dans ce qui sort de l’intime mais avec discrétion et selon une tessiture des plus personnelles.
L’écriture s’étoffe tout en se défaisant aux seins d’émotions et d’ardeurs vagabondes. L’auteure franchit autant des lieux d’ombres que de rêves, là où tout reste mouvant.

Jean-Paul Gavard-Perret

Raphaële George, Les Nuits échangées (première version), Editions Unes, 2018, édition limitée à 111 exemplaires numérotés sur Vélin d'Arches, 24 p., 21 €

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