Yorgos Seféris homme libre

Depuis 1922, le poète et futur prix Nobel de Littérature 1963, va mener la vie cosmopolite d’un jeune intellectuel grec en exil tour à tour nanti ou ruiné, d’abord en France pour de brillantes études de Droit puis dans les pays où ses missions de diplomate vont le conduire.
En tant que haut-fonctionnaire de l’État, il assiste à l’excavation des trésors de la statuaire grecque qui ont été ensevelis au début de la guerre afin de leur éviter un transfert en Allemagne nazie ou bien dans l’Italie de Mussolini. L’histoire de cette redécouverte Séféris la distillera tout au long de son œuvre poétique et que l’on peut qualifier de fondatrice pour sa pensée.
Pour Séféris, depuis l’Antiquité, la nature et les créations humaines se trouvent entrelacées dans une union cosmique. L’humanité est en marche depuis si longtemps. Ce qui lui fait dire : Chez Homère tout se tient, le monde entier est un tissu de fibres organiques.
Le poète insiste fréquemment sur la capacité de statues hiératiques, au visage impassible et qui portent des vêtements aux plis figés, à cesser d’être un morceau de pierre ou de bronze pour se plier et se courber et devenir un être humain.
Ce qui suscite une forme de jalousie chez le poète qui veut lui aussi toucher le dieu du Cap Artémision, pour la première fois, puisqu’une telle proximité n’a jamais été possible, d’abord à cause des règlements administratifs qui interdisent tout contact entre les visiteurs et les œuvres d’art et ensuite à cause des dimensions exceptionnelles de la statue, inaccessible sur son piédestal au musée. Mais l'auteur de s'en insuger : J’ai touché son torse, à l’articulation de l’épaule, et aussi son ventre, ses cheveux. Et il m’a semblé que c’était mon propre corps que je touchais .

Jean-Paul Gavard-Perret

Yorgos Seféris, Les poèmes, Le miel des anges éditeur, octobre 2023, 342 p.-, 20€

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