Fausse piste, le retour de Crumley



un écrivain oublié ?

Décédé en 2008, James Crumley a laissé une trace importante dans le roman noir américain : des romans comme Le dernier baiser ou La danse de l’ours avaient par exemple

été encensés par les amateurs de polars aux États-Unis ou en France. Crumley faisait partie de la bande des écrivains de Missoula (avec James Lee Burke ou Robert Sims Reid) dans le Montana, petite ville de l’Ouest américain où il avait élu domicile après une vie assez mouvementée…


Selon François Guérif, Crumley n’a pas assez écrit ou donné de grands romans pour deux raisons: l’alcool (il a longtemps bu, cela se sent dans ses romans) et l’écriture de scénarios non tournés pour Hollywood. Comme Hammett et Chandler en leur temps, Crumley a beaucoup travaillé pour le cinéma, activité très lucrative mais qui l’a détourné de la littérature. On rêvera longtemps de ce que son adaptation du Grand Nulle part d’Ellroy aurait pu donner. Les éditions Gallmeister ont entrepris de rééditer son œuvre, souvent mal traduite, et ouvrent le bal avec Fausse piste, premier roman mettant en scène le privé Milo Milodragovitch. Un conseil : prenez un verre.

 

La face noire des années 70

 

Milo Milodragovich, ex-flic devenu détective privé, travaille dans la bonne ville de Meriwether mais est sur le point de se retrouver au chômage technique : une nouvelle loi autorise les divorces à l’amiable, le privant ainsi de nombre d’affaires juteuses. Il boit donc tôt cet après-midi où quelqu’un frappe à sa porte. Une superbe femme entre, elle s’appelle Helen Duffy et s’inquiète beaucoup au  sujet de son petit frère, Raymond Duffy, qui a disparu depuis quelques temps sans lui laisser de nouvelles. Milo tergiverse et refuse de travailler pour elle mais, séduit par la jeune femme, il change d’avis. Il commence son enquête à l’université où Raymond finissait sa thèse. Il découvre un Raymond assez éloigné de l’image qu’en avait sa sœur, drogué et fréquentant des gens peu recommandables. Il lui faudra jongler avec la mafia, ses ex-collègues de la police de Meriwether et des hippies défraîchis, tout en essayant pas mal de pistes, avant de trouver la vérité autour de Raymond et surtout d’Helen Duffy.

 

La redécouverte s’impose

 

Je dois faire ici un aveu personnel : autant la lecture du dernier baiser s’était révélée stimulante et convaincante, autant Fausse piste m’avait déçu il y a une quinzaine d’années. Or cette impression ne résiste pas à une nouvelle lecture, certainement à cause de la nouvelle traduction. Ce roman intense est autant un polar (on pense bien sûr à Chandler, que Crumley vénérait) qu’une errance existentielle dans le grand Ouest américain menacé par la corruption : on est proche ici de Jim Harrison, récemment disparu. La description des nombreuses cuites de Milo est non seulement savoureuse mais nécessaire au récit. On peut raisonnablement penser que sans l’alcool l’enquête n’aboutirait pas. Au passage, les illustrations noir et blanc de Chabouté s’intègrent parfaitement à l’ambiance du récit. Conclusion : il faut lire (et relire) Crumley, poète alcoolisé du roman noir.

 

Sylvain Bonnet

James Crumley, Fausse piste, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Mailhos, illustrations de Chabouté, préface de Caryl Férey, Gallmeister, avril 2016, 400 pages, 23,50 €

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