"La fille à la vodka" - le tabou de l'alcoolisme féminin par Delphine de Malherbe

Alice est belle. Très belle, tous ces amis lui disent. Alice est intelligente, cultivée. Ces amis l’admirent. A Paris, le monde lui sourit, elle a tout. Pourtant Alice se sent désespérément vide. Elle a trente ans, boit depuis ses 15 ans pour oublier l’ascenseur, l’obligation de gérer ses parents, pour régresser dans son corps d’enfant, pour vaincre sa timidité et parler. Finalement, Alice boit pour tenir et oublier puis continue pour oublier qu’elle boit pour oublier. Du jour au lendemain, elle abandonne tout et part se réfugier à Avignon auprès de son grand-père, Papy Micha. Dans la capitale du théâtre, elle tombe le masque devant un homme, Patrice : elle cherche à attirer son attention sur le manège en mangeant des pétales de rose et en écartant les cuisses à la basic instinct. Face à lui, elle défaille. Lui, lui demande si elle le tuera. Commence alors une relation passionnelle. Alice passe d’une ivresse à l’autre, hésite entre la sagesse et le gouffre. Cette rencontre va-t-elle être celle d’une renaissance ou celle de l’ultime décadence ?

 

Après un premier roman très remarqué, La femme interdite, Delphine de Malherbe signe la fille à la vodka et s’attaque à un nouveau sujet tabou, celui de l’alcoolisme au féminin. Elle bouscule les clichés s’appuyant sur les modèles de Romy Schneider ou d’Amy Whinehouse. Il n’est plus question de femmes ayant de vraies problèmes- maris violents, chômage- mais de femmes qui ont tout et recourent à l’alcool pour s’oublier parce qu’elles sont incapables de porter le poids de leur existence. Face à elle, le personnage de Patrice est un mur : elle s’y raccroche et s’y heurte. Pour cet homme rien n’a plus d’importance pour une raison qu’on ignore au début. Il cherche la fille, celle qui aurait le courage. Le courage de quoi : le tuer ? L’aimer ? C’est toute la question. Leur relation est une ivresse, un tourbillon de sentiments où Alice va perdre le contrôle pour mieux rebondir. L’écriture est fiévreuse, les phrases s’enchaînent parfois de façon incohérente traduisant l’ivresse de la narratrice, sa détresse et sa solitude. Nous sommes noyés dans les mots comme Alice dans la vodka. Le risque étant dans les deux cas la gueule de bois. Les réflexions de la narratrice traînent parfois en longueur et sont à quelques reprises répétitives. Autofiction, La fille à la vodka n’en reste pas moins touchant et Delphine de Malherbe montre une fois de plus qu’elle n’a pas peur de se frotter à des sujets qui sont trop souvent laissés de côté parce qu’ils dérangent.

 

Julie Lecanu

 

Delphine de Malherbe, La fille à la vodka, Plon, 236 pages, 18 euros

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