Du plomb dans le cassetin, les souffrances d'un vieil ouvrier du livre par Jean Bernard-Maugiron

Victor est un vieil ouvrier du livre, typographe de formation, puis correcteur des petites annonces d'un grand quotidien régional. Au moment de partir en retraite, Le Marbre, l'organe du Syndicat, lui demande de rédiger un court texte sur son expérience et sa vie professionnelle. C'est un vieux de la vieille, qui a connu toutes les évolutions du métier, commencé comme apprenti à l'âge du plomb. Mais il n'a jamais écrit, sa vie est restreinte à son travail, l'appartement avec sa mère sur le point de mourir, ses collections de trains et de tout ce qui touche aux trains, car il aurait tant voulu être conducteur d'une locomotive, d'une brutale, comme Jean Gabin dans la Bête humaine...

Au fil de ses essais d'écriture, qui commencent tous par la seule chose dont il soit certains : « Je travaille de nuit comme correcteur de presse das un grand journal régional », et qui constituent les dix premiers chapitres de cet étonnant et court roman, se forme l'histoire même de l'imprimerie, de ses machines infernales et des ouvriers qui y associent leur destin : ses traditions (notamment l'abus d'alcool, la rigolade) mais aussi ses métamorphoses technologiques et, par le fait, ses désillusions sociales.

« À chaque changement de système de fabrication, du plomb à la photocomposition, de la photocomposition à l'informatique, il y a des plans sociaux et c'est la moitié des ouvriers qui partent. Bientôt, il n'y aura plus que des machines qui travailleront toutes seules. »

Du plomb dans le cassetin est de ces petits romans qui ont l'air de se répéter, de tourner sans fin autour d'un petit sujet anodin, mais qui portent en eux beaucoup d'humanité et le destin d'un homme. À travers ses récits, le pauvre Victor perd lentement pied, les signes de sa folie s'installent peu à peu et d'une maladie professionnelle (le saturnisme des soldats du plomb...) Jean Bernard-Maugiron fait une échappée onirique, portée par un style « populo » très agréable, même si Victor fini avec du plomb dans l'aile.

Tout lecteur qui a un tant soit peu l'amour des livres et des Tontons flingueurs (véritable source d'inspiration pour l'auteur et son personnage) se doit de remercier Jean Bernard-Maugiron pour ce petit hymne modeste et joyeux — oui, joyeux — aux ouvriers du livre.


Loïc Di Stefano

Jean Bernard-Maugiron, Du plomb dans le cassetin, Buchet Chastel, août 2010, 106 pages, 11 euros

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