Firmin, le rat d'auteur, ou l'autobiographie d'un grignoteur de livres, par Sam Savage

Qui n'a jamais eu l'idée de raconter l'histoire, au sens littéral du terme, d'un rat de bibliothèque ? Sam Savage l'a fait !

Sur le monde du récit social triste et dans la foulée d'un Charles Dickens, par exemple, Firmin nous conte les aventures du petit rat, dernier d'une portée de treize élevée à la dure — c'est-à-dire pas élevée — par une matrone rate alcoolique et plus occupée à déplacer son énorme personne qu'à veiller à sa portée. Si bien que règne la loi du plus fort et que Firmin, le plus chétif des rats qu'on n'ai jamais vu, est réduit à la portion congrue des reliefs de repas... ce qui est assez peu ! Dans son malheur, sa mère à l'idée — ou plutôt il se trouve que cet endroit abandonné est situé non loin des débits de boisson qu'elle fréquente assidument... — de s'installer dans une vieille boutique délabrée, celle d'un bouquiniste. À force de grignoter du papier, il commence à se dire que cela pourrait, en plus du goût, avoir du sens.

Et toute la portée philosophique de petit conte morale part de là. Ce n'est pas très original, ni très nouveau, mais c'est admirable de contextualisation et l'idée de prendre le sujet au pied de la lettre est simplement une excellente idée. Reste que, malheureusement, le style ne suit pas. L'autobiographie d'un rat de bibliothèque aurait sans doute mérité un style moins intellectualisé, moins volontairement lent, car le sérieux ne sied pas au conte. Ou alors il faut s'appeler Charles Nodier, et si, pour son premier roman, Sam Savage n'en est pas loin, ce n'est pas encore tout à fait cela...

Firmin penche plus, peut-être, du côté de Borges, car les aventures et les lectures du petit rat qui se découvre de livre grignoté en livre grignoté, enchâssées en un maillage complexe,  s'ouvrent presque sans fin. Hommage allégorique à la lecture, aux lectures, aux livres, comme le refuge des égarés et des bannis. Firmin se délecte des livres, dans lesquels il se noie au point parfois de confondre le réel et l'imaginaire, et comble aussi une petite pulsion lubrique, car tout est mêlé. Pour les happy fews !


Loïc Di Stefano

Sam Savage, Firmin, Actes Sud, mai 2009, 200 pages, 18 euros

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