"Héritage"- Quand on hérite pas seulement d'une fortune mais aussi d'une histoire

HERITAGEAvec un patronyme comme le sien, Nicholas Shakespeare ne pouvait se permettre de démériter et force est de constater qu’il s’en sort plutôt bien. Journaliste littéraire, il passe une nouvelle fois de l’autre côté de la barrière avec Héritage, roman où il n’est pas question que d’argent mais aussi d’histoire au sens large du terme.

Andy Larkham n’est pas qu’un type comme les autres : il a tout d’un looser. À 27 ans, il rêve de devenir éditeur mais doit se contenter de travailler pour les éditions Carpe Diem où il relit et corrige des ouvrages consacrés au développement personnel. Il se fait larguer par sa petite amie, mannequin de son état, devant les yeux du nouvel amant de celle-ci. Les lettres de recouvrements et les factures s’accumulent à la porte d’un appartement dont la serrure demande à être réparée depuis des mois. Bref, Andy Larkham n’a rien d’un héro et sa vie est plus que terne. Mais le hasard parfois peut changer la donne. Au lieu de se rendre à l’enterrement d’un ancien professeur, Andy assiste à celui d’un illustre inconnu, Christophe Madigan. Hors ce dernier a stipulé dans son testament que seules les personnes ayant assisté à la cérémonie, hériteraient de sa fortune. Et quelle fortune puisqu’Andy se retrouve à la tête de 17 millions de livres ! Si dans un premier temps, Andy compte bien profiter de cet héritage providentiel, il finit par s’interroger sur les origines de cet argent, de Christopher Madigan et des raisons qui l’ont poussé à de telles dernières volontés.

Si le résumé semble ici exhaustif, qu’on se rassure, il ne s’agit en gros que des cinquante premières pages car l’essentiel du roman de Nicholas Shakespeare tourne autour de l’histoire et de l’étrange personnalité de Christopher Madigan alias Krikor Makertich, l’Arménien. Une histoire à la fois poignante car elle nous plonge au cœur d’un des plus grands drames du début du XXe siècle avec le génocide arménien et touchante parce qu’à travers son enquête, Andy va chercher à réconcilier Jeanine, la fille de Christopher Madigan, à feu son père. Andy va également réussir à se réconcilier avec son propre passé : en prouvant à Jeanine que son père n’est pas le salaud qu’elle a toujours cru, il va lui aussi pardonner à son père qui les avait abandonnés, lui, sa sœur et sa mère, pour une autre femme.

La première partie ou « les errances d’un looser » traîne un peu en longueur mais est nécessaire pour comprendre l’urgence que ressent Andy à découvrir la véritable identité de son généreux donateur. Si une certaine pitié s’insinue au cours de la lecture des difficultés rencontrées par notre anti-héro, celle-ci est bien vite remplacée par l’exaspération devant le comportement du nouvel Andy, riche comme Crésus. La deuxième partie consacrée au récit de la gouvernante, Maral Bernhard et à la vie de Krakor, est de loin la plus intéressante. Atteint du syndrome du survivant, la vie de Krikor n’est qu’une suite de faux semblants pour lui permettre d’échapper à son passé. Le personnage de Don Flexmore alias James Thetam alias Carl Andrew alias Bijou Mardrake est l’un des plus captivants du roman. Mythomane, escroc, cet homme semble poursuivre Christopher Madigan d’un bout à l’autre de la planète et s’escrime à lui gâcher la vie. Nous n’en dirons pas plus, il faut le lire pour le croire.

Un beau roman au compte des éditions Grasset et si Nicholas n’est pas William, le patronyme n’a pas à souffrir de ce roman.


Julie Lecanu

 

Nicholas Shakespeare traduit de l'anglais par Karine Laléchère, Héritage,  Grasset, août 2011, 424 pages, 20,90 euros



 

 

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