Catherine Leroux, La marche en forêt : L’épopée séculaire

Ce n’est ni de la littérature étrangère, ni un livre de chez nous, mais l’histoire de nos cousins en quelque sorte. Un roman québécois, un premier roman, qui a connu un certain succès outre-Atlantique, et qui ne devrait pas décevoir de ce côté-ci de l’océan. À 32 ans, Catherine Leroux a été caissière, téléphoniste, barmaid, bibliothécaire, enseignante, gréviste, vendeuse de chocolat, bergère et étudiante en philosophie… Il ne lui manquait plus que de devenir romancière, ce qu’elle avait promis à sa grand-mère : c’est chose faite.

 

La marche en forêt, c’est la longue histoire de la famille Brûlé, sur plusieurs générations. Ce n’est pourtant pas une saga, chronologique, logique, où l’on peut suivre le fil des générations, mais plutôt un roman patchwork, une mosaïque de faits et gestes de quelque 24 membres de la famille, mais sans chercher à la relier à tout prix. Il faut accepter de voir les personnages se succéder, virevolter en deux trois pages, et passer au suivant, à une autre époque…

 

Il ne sont pas seuls pourtant : « Tous les membres de la famille sont rattachés par le nombril par un rayon de lumière qui ne se brise jamais. (…) Cette lumière vient des anges, et il ne faut jamais l’oublier. » Il y a Fernand, qui fait figure de patriarche et qui ébranle la famille quand il épouse en secondes noces Emma ; Luc l’ébéniste qui ne parvient pas à trouver le bonheur ; Pascal qui a fui aux États-Unis pour ne pas révéler au clan son homosexualité ; la jeune Justine qui décide sur un coup de tête de soigner un homme autiste de 36 ans… Sans oublier Alma, l’aïeule, la figure légendaire, l’a grand-mère amérindienne qui est faite pour la chasse et l’amour, et qui doit, quand vient l’été, abandonner ses enfants pour courir les grands espaces…

 

Il y a des douleurs, des souffrances, des fautes et des crimes même : « Il y a des nuits où la noirceur est dure comme une dent, comme la mâchoire d’un chien qui ne lâche pas prise. » De grands bonheurs, des moments de tendresse inouïe, des paysages somptueux, des éclats de rire… Le lecteur est comme un nouveau venu dans le clan, le dernier arrivé qui doit apprendre tous les prénoms et qu’on met face à une photo de famille : on lui parle de la maladie de l’un, comment il a fini, des enfants d’un autre. On ne dit pas tout, on ne sait pas tout… Qu’importe.

 

On entend l’accent québécois, avec les bébelles – les babioles et petites bricoles -, on apprend à se méfier de ceux qui veulent écornifler, c’est-à-dire espionner, mettre leur nez dans les affaires des autres… et j’en passe. Catherine Leroux sait rendre les ambiances en quelques lignes, un style très personnel, qui nous entraîne dans des paysages à nous couper le souffle, quand le dégel qui fait craquer la terre, à travers la nature envoûtante… où chacun trace son chemin. Mais ce sont sans doute les forêts intérieures qui restent à explorer.

 

Christophe Henning

 

Catherine Leroux, La marche en forêt, Carnets nord/éditions Montparnasse, août 2012, 264 p.,  19 €.

 

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