Points chauds
Vieux routier
de la science fiction malgré ses quarante-quatre ans,Laurent Genefort a fait ses premières armes au sein de la défunte
collection Anticipation chez Fleuve Noir. Ecrivain prolifique, il a
écrit une thèse sur les livres-univers avant d’en créer un lui-même, le
monde d’Omal (1). Inspiré d’une nouvelle, Rampart, publiée dans la revue Bifrost, la parution de Points chauds,
après un détour par les éditions Bragelonne pour un cycle de Fantasy,
marque la volonté de l’auteur de revenir au premier plan dans le genre.
Ouverture des portes
2019, des portes spatiales apparaissent subitement, que les médias baptisent aussitôt les « bouches ». Il y en a d’abord deux. Puis dix, puis cent. Conséquence de ce phénomène inexpliqué et incontrôlable, des aliens débarquent. La plupart se servent de notre monde comme d’une simple zone de transit, voyageant d’une bouche à une autre. D’autres s’installent. Pour rassurer les populations inquiètes, les Nations Unies créent la force « Rampart », chargée d’escorter les aliens de passage et de surveiller les autres.
Laurent Genefort reprend des thèmes et des idées qui ont fait florès en SF : avec la grande Porte, Frederik Pohl imaginait que l’espace était parsemé d’artefacts laissés par une espèce inconnue, les Heechees ; dans Spin, Robert Charles Wilson présente un immense portail apparu dans le Pacifique, menant vers un autre monde. Notre auteur accentue un trait présent dans ces deux œuvres : l’homme ne contrôle vraiment plus rien. Le phénomène des bouches reste inexpliqué, on ignore tout de surcroit de l’identité des créateurs. Et l’arrivée des aliens suscitent des réactions variées parmi les humains.
Un livre choral
Proposer une multiplicité des points de vue stimule l’attention du lecteur. Là où le bat blesse, c’est que les histoires ne se croisent pas et que les personnages interagissent peu : Seul Leo, soldat de la force Rampart, apparaît dans les récits des autres personnages et assure un lien, sans que cela apporte quelque chose de plus narrativement. Le manque d’attention à ses personnages était autrefois une faiblesse de certains romans de Laurent Genefort. Bien que mieux campés, ils souffrent de ce choix narratif alors que l’univers peint, très proche du nôtre, nous interpelle directement.
Le problème de l’immigration
Points chauds nous renvoie directement à la relation difficile que nos sociétés entretiennent avec l’immigration. La description de certaines infortunes réservées aux aliens — exploitation, travail au noir, massacres de migrants, camps de rétention - rappelle des questions très actuelles. Comment ne pas penser au camp de Sangatte ? Comment ne pas voir derrière certains aliens les migrants de Lampedusa ? Le propre de la bonne science fiction est de refléter et d’interroger le monde actuel. Pour l’auteur, le changement est en route et rien ne semble pouvoir l’arrêter : le monde de Papa est mort… Face à cette dynamique, les sociétés ont le choix : se replier ou s’ouvrir, tandis que d’autres humains choisissent de partir à leur tour découvrir les mondes en empruntant à leur tour les fameuses « bouches ». L’auteur ne prend pas parti et préfère s’en tenir à un panorama des réactions humaines face au défi représenté par l’arrivée de ces immigrés du troisième type. Le lecteur jugera s’il s’agit d’une des limites de son roman.
Sylvain Bonnet
Laurent Genefort, Points chauds, Editions Le Belial’
Mai 2012
le roman
260 pages, 18 €
le manuel « Aliens mode d’emploi »
175 pages, 13 €
(1) Publié dans la collection « millénaires » des éditions J’ai lu, le cycle d’Omale devrait être republié en fin d’année dans la collection Lunes d’encre chez Denoël.
Ouverture des portes
2019, des portes spatiales apparaissent subitement, que les médias baptisent aussitôt les « bouches ». Il y en a d’abord deux. Puis dix, puis cent. Conséquence de ce phénomène inexpliqué et incontrôlable, des aliens débarquent. La plupart se servent de notre monde comme d’une simple zone de transit, voyageant d’une bouche à une autre. D’autres s’installent. Pour rassurer les populations inquiètes, les Nations Unies créent la force « Rampart », chargée d’escorter les aliens de passage et de surveiller les autres.
Laurent Genefort reprend des thèmes et des idées qui ont fait florès en SF : avec la grande Porte, Frederik Pohl imaginait que l’espace était parsemé d’artefacts laissés par une espèce inconnue, les Heechees ; dans Spin, Robert Charles Wilson présente un immense portail apparu dans le Pacifique, menant vers un autre monde. Notre auteur accentue un trait présent dans ces deux œuvres : l’homme ne contrôle vraiment plus rien. Le phénomène des bouches reste inexpliqué, on ignore tout de surcroit de l’identité des créateurs. Et l’arrivée des aliens suscitent des réactions variées parmi les humains.
Un livre choral
Par sa structure, Points chauds
est un roman choral. Six personnages principaux racontent leur histoire
sur 20 ans, dans le désordre chronologique le plus complet. Chaque
expérience est une vision différente de l’impact de l’arrivée des aliens
dans notre civilisation. Plus Raji, le scientifique, les étudie, plus
il les prend en sympathie ; le nomade de la toundra Proskypê les
accompagne et les guide dans leur voyage vers une autre bouche, tandis
que Darius raconte comment il s’est enrichi dans le business de la
sécurité grâce à leur arrivée. Entre les différents chapitres
s’intercalent des coupures de journaux, des annonces et des dépêches :
techniques héritées de Dos Passos qui permettent une immersion directe
dans ce monde futur, utilisées par exemple par John Brunner dans tous à Zanzibar.
Proposer une multiplicité des points de vue stimule l’attention du lecteur. Là où le bat blesse, c’est que les histoires ne se croisent pas et que les personnages interagissent peu : Seul Leo, soldat de la force Rampart, apparaît dans les récits des autres personnages et assure un lien, sans que cela apporte quelque chose de plus narrativement. Le manque d’attention à ses personnages était autrefois une faiblesse de certains romans de Laurent Genefort. Bien que mieux campés, ils souffrent de ce choix narratif alors que l’univers peint, très proche du nôtre, nous interpelle directement.
Le problème de l’immigration
Points chauds nous renvoie directement à la relation difficile que nos sociétés entretiennent avec l’immigration. La description de certaines infortunes réservées aux aliens — exploitation, travail au noir, massacres de migrants, camps de rétention - rappelle des questions très actuelles. Comment ne pas penser au camp de Sangatte ? Comment ne pas voir derrière certains aliens les migrants de Lampedusa ? Le propre de la bonne science fiction est de refléter et d’interroger le monde actuel. Pour l’auteur, le changement est en route et rien ne semble pouvoir l’arrêter : le monde de Papa est mort… Face à cette dynamique, les sociétés ont le choix : se replier ou s’ouvrir, tandis que d’autres humains choisissent de partir à leur tour découvrir les mondes en empruntant à leur tour les fameuses « bouches ». L’auteur ne prend pas parti et préfère s’en tenir à un panorama des réactions humaines face au défi représenté par l’arrivée de ces immigrés du troisième type. Le lecteur jugera s’il s’agit d’une des limites de son roman.
Genefort a aussi écrit en complément un manuel de survie en situation de contact extraterrestre, le désopilant « Aliens mode d’emploi »,
— les chapitres sur les repas en commun et la sexualité sont
recommandés — qui rappelle à la fois les manuels développés par l’US
Army lors du débarquement de 1944 en France et le Guide du routard intergalactique
de Douglas Adams. Au final, malgré quelques faiblesses narratives,
l’entreprise est réussie et ravira l’amateur d’histoires de premier
contact.
Sylvain Bonnet
Laurent Genefort, Points chauds, Editions Le Belial’
Mai 2012
le roman
260 pages, 18 €
le manuel « Aliens mode d’emploi »
175 pages, 13 €
(1) Publié dans la collection « millénaires » des éditions J’ai lu, le cycle d’Omale devrait être republié en fin d’année dans la collection Lunes d’encre chez Denoël.
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