Nicolas Bouchard, "Les Enfants de Dana" : une agréable initiation à la mythologie irlandaise
Les
Enfants de Dana
débute par quelques scènes émotionnellement fortes. Le 21
décembre, jour du solstice d’hiver, une femme se dépouille de
tout ce qui avait fait sa vie : famille, amis, appartement,
travail... et prend la route, à pied.
Le
passé est mort... L’avenir n’existe pas, il ne me reste que le
présent.
Elle
entre ainsi dans l’hiver et apprend une vie réduite à sa plus
simple expression, avec les seuls signaux renvoyés par ses sens :
le froid, l’humidité, le vent, les cailloux de la route...
Anesthésiée par une grande douleur, elle laisse ses pensées la
quitter. Mais, après quelque temps de disponibilité, des rêves
viennent hanter le peu de sommeil qu’elle trouve. Parmi les noms
qui traversent ses songes, celui d’un lieu émerge :
Magduired. Il sonne un peu celtique, un peu breton, et comme elle
déambule sans but, elle décide de le retrouver et part pour la
Bretagne.
Près de Guingamp, elle découvre un village qui se
nomme Magdöerec. Après bien des recherches, des anciens lui
indiquent que Magduired existe. Il est de l’autre côté d’un mur
qu’on peut franchir par un tunnel. Elle parvient à passer, mais se
brise une jambe. Soignée par les habitants, elle découvre un
univers hors du temps, avec des usages, des coutumes qu’elle ne
comprend pas. Elle veut repartir, mais une force la retient. Elle
discerne qu’une menace pèse sur ce pays clos : l’invasion
de cette terre par le Chaos.
Avec Les Enfants de Dana Nicolas Bouchard explore la mythologie irlandaise, cette mythologie celtique développée autour de Dana, la déesse primordiale des Tuatha dé Danann, les dieux celtes de la protohistoire et du druidisme. Il intègre celle-ci dans la trame de son intrigue, mixant notre époque et celle des légendes. Autour de son héroïne, dont on ne découvre la véritable identité que dans les dernières pages, il anime une galerie de personnages et des thèmes empruntés à l’épopée. Cette femme découvre un pays qui, sous des dehors paisibles et rupestres, est un véritable chaudron de sorcière, un maelström de sentiments les plus divers, où l’amour et la haine se partagent également l’espace. Il en résulte une intrigue forte et attractive et une façon très agréable de s’initier à la richesse de la mythologie irlandaise. La société qu’il décrit, qui se révèle peu à peu, rappelle par certains côtés, Malpertuis, un des grands romans de Jean Ray.
L'aspect
dramatique est contrebalancé par des réflexions cocasses, car
l’auteur fait preuve de beaucoup d’humour. Il porte un regard
actuel sur les légendes celtes et ramène la déité à une
dimension humaine, comme en témoigne ce qu’il écrit, par exemple,
sur le vieillissement des dieux, sur les rapports et les liens
amoureux entre eux :
On
assiste parfois à ce genre d’aberration chez les immortels. Vous
savez, au bout de quelques siècles, on ne prend plus tellement
garde à ces problèmes de générations.
Avec ce roman, Nicolas Bouchard aborde également un des plus grands chagrins que peut ressentir l’être humain. Il le fait avec tact, sans mièvrerie, mais avec force et sans en gommer les tourments.
Le
tout est servi par une rédaction fluide et par un travail sur le
vocabulaire. À l’heure où nombre de romans sont bâclés, où les
auteurs pensent "faire moderne" avec des dialogues qui se
composent essentiellement d’onomatopées et de jurons, il est très
agréable de retrouver une écriture de qualité.
Les enfants de Dana est une réussite de plus à mettre à l’actif de Nicolas Bouchard.
Nicolas Bouchard, Les Enfants de Dana, éditions Mnémos coll. "Icares", février 2008, 274 p. - 20,00 €
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