Maurice G Dantec reprend les commandes du thriller métaphysique avec "Satellite Sisters"

À l’inverse de son précédent roman Metacortex, qui élaborait sa trame narrative sur les mêmes concepts que ceux de Villa vortex sans pour autant faire suite directe à ce dernier, Satellite Sisters continue Babylone Babies et augmente la tension métaphysique un cran au-dessus du plus gros succès commercial de Maurice G. Dantec. 

 

Environ une décennie sépare Babylone Babies de Satellite Sisters, entre temps Maurice Dantec aura déréglé l’azimut des boussoles du milieu littéraire français, changé de maisons d’éditions à tout va et provoqué moult polémiques, publié plusieurs romans et achevé sonJournal métaphysique et polémique : « le théâtre des opérations ». Quasi invisible et silencieux depuis son précédent livre, qui quoique parmi les meilleurs de sa production est passé relativement inaperçu, jusqu’à aujourd’hui – dire que le retour de Dantec est attendu relève de l’euphémisme…

 

C’est donc à grand renfort de promo kitsch que les éditions Ring, avec lesquelles Dantec s’oppose dans une guerre éditoriale qui avec l’affaire Millet – autre maudit des salons germanopratins – agite cette rentrée littéraire cuvée 2012, annoncent depuis des mois la sortie de la suite du roman culte adapté piteusement au cinéma par le très pleurnicheur Kassovitz sous le titreBabylone A.D. mais passons… Avec Satellite Sisters Maurice Dantec retrouve une narration linéaire qu’il avait abandonnée depuis Villa Vortex dilatant ses histoires sur plusieurs niveaux de réalités historiques, politiques et métaphysiques pour donner au thriller futuriste dont il fut consacré maître avec Les Racines du mal une puissance métaphysique que le genre, stupidement méprisé dans nos contrées, ignorait en France. Satellite Sistersrevient donc aux fondamentaux et saura à n’en pas douter reconquérir les lecteurs que Dantec avait perdus en leur demandant d’abandonner les layons rassurant d’une littérature codifiée pour les sentes escarpés des hauts sommets, lesquels lecteurs se contentent de K. Dick pour patienter avant la prochaine adaptation ciné et de Lovecraft parce qu’il fait peur. 

 

Attentats stellaires, affrontement sur le mode des Thermopyles, fuite vers mars sur fond de fin du monde et d’ONU 2.0, Dantec structure savamment son roman pour que le lecteur en prenne plein les yeux. De fait, Satellite Sisters figure peut-être un de ses romans les plus accessibles. A l’inverse il pourrait perdre un lectorat acquis dès Villa Vortex, plus intéressé par le travail sur le narration et les embardés métaphysico-politique lequel lectorat demeure, pour une bonne part, persuadé que K. Dick est écrivain de sous-genre bon à inspirer de futur série B et Lovecraft un auteur pour adolescent fan de Metal. Or, c’est là que Dantec se montre le plus pertinent, en assumant le genre sans néanmoins abandonner les caractéristiques de son œuvre, il affine son discours et plutôt que l’illustrer en exosquelette de papier l’incarne dans chacun de ses personnages. Pour exemple le catholicisme et le rapport à la technique de l’auteur sourdent de certains personnages comme cette machine Joe/Jane soudain accueillie par la Grâce – laquelle machine fait écho à l’androïde baptisée de Cosmos Inc. –  et résume l’exercice de narration auquel s’est livré Dantec, tout à la fois plus frontal et plus subtil. Plus profondément Satellite Sisters apparaît aussi, et paradoxalement, comme un roman de synthèse ou Teilhard de Chardin et Nietzsche se réconcilient en Maistre sur fond de conquête spatiale, et signale un auteur plus que jamais maître de ses influences.

 

De nombreuses critiques remarquent en Satellite Sisters le chef d’œuvre de Maurice G Dantec, pour notre part, outre ses qualités indéniables, nous lui préférons Metacortex, cependant force est de constater que ce livre juste publié présage non pas une résurrection, ce qui reviendrait à dire que Dantec était un auteur mort et ceux qui le lisent sérieusement comprennent bien la stupidité d’une telle affirmation, mais une mutation essentielle à l’amorce d’un bouleversement littéraire que Satellite Sisters augure et dont nous sommes persuadés que la forme et le fond seront, comme toujours chez Dantec, inattendus et passionnants…

 

Rémi Lélian

 

Maurice G. Dantec, Satellite Sisters, Ring, septembre 2012, 515 pages, 22 €

 

> Lire en complément l'entretien exclusif accordé par Maurice Dantec à Rémi Lélian et Gerald Messadié pour Le Salon Littéraire.

1 commentaire

Dantec, pour moi,  c'est tout ou rien. Cosmos Incorporated m'a ennuyé, les racines du mal et Babylon babies m'ont enthousiasmé et Villa Vortex... l'aspect polar était génial, les 100 dernières pages par contre... Je verrai si Satellite sisters vaut le coup. En tout cas, c'est certainement un des auteurs les plus marquants de ces 20 dernières années.