François-Xavier Dillard, "Un vrai jeu d’enfant" : se méfier de la facilité

Le livre commence avec le récit, par une personne, de son agonie.
Puis, Emma, une étudiante, relate son manque d’argent chronique et ses difficultés pour payer son loyer. Aussi, c’est l’aubaine quand elle est recrutée pour emmener discrètement, dans un vieux sac à dos, une nouvelle collection de bijoux chez un photographe et la ramener.
Marc est un jeune inspecteur qui râle contre le manque de moyens, en particulier informatiques, dont il dispose. Il voit, dans le dossier que vient de lui confier son patron, l’opportunité de se hisser rapidement dans la hiérarchie policière.
François vient de passer dix ans en prison. Il est en « conditionnelle », mais ne peut s’empêcher, après quelques jours, de se rendre dans un vilain troquet du 20e arrondissement où il sait pertinemment qu’il va trouver là, l’occasion de repiquer.
Peu à peu, avec le point de vue des uns et des autres, le cadre de l’intrigue émerge. François accepte d’être le chauffeur pendant que ses complices, Momo et Ben, sous la menace, embarqueront l’étudiante et son sac à dos ainsi que le garde du corps qui la suit discrètement. Marc a mis au point un dispositif pour les prendre en flagrant délit.
Pour tous, cette affaire est un jeu d’enfant, mais, même la mécanique le mieux huilée...

François-Xavier Dillard a choisi de nous raconter son histoire à rebours. Il commence par nous révéler qu’il y a eu tuerie, que la mort a frappé et nous invite à remonter le temps pour connaître le déroulement de l’affaire, connaissant une partie de la conclusion.
Il donne, à tous les personnages « importants » un rôle de narrateur et chacun raconte les événements selon sa propre vision, son jugement et ses motivations.

L’auteur part d’une idée assez simple, mais réussit à donner à son récit une dimension aussi prenante, aussi passionnante que la plus alambiquée des intrigues. Il suscite la tension avec des détails, des incidents quotidiens, presque insignifiants, mais qui, dans le contexte, prennent une dimension inquiétante. À travers les monologues, il révèle les caractères, le passé, les motivations et les aspirations de chacun. Il brosse des portraits d’une grande justesse. Ceux-ci sont nourris d’observations fines et adéquates, en prise avec la réalité.

François-Xavier Dilland use, pour son récit, d’un ton qui n’est pas sans rappeler celui d’un Michel Audiard. Il emploie des expressions, des réflexions, des petites phrases bien senties qui auraient pu, parfaitement, être exprimées par un Bernard Blier, un Lino Ventura ou un Francis Blanche. C’est drôle, c’est tonique. C’est de l’humour au vitriol. Il ose des néologismes tels que aquoibonisme, des images travaillées, fouillées mais si parlantes comme : « Mais lui bien sûr, la testostérone en ébullition et les neurones au point mort, il veut piquer... » ou « ...c’est un tel junkie que plus personne ne lui propose le moindre plan, pas même un vol de Pépito dans une station-service. »

On pourrait, toutefois, faire le reproche du rappel trop fréquent, en fin de chapitre, que la situation va foirer. On le sait dès la troisième page. Ce que l’on veut connaître, c’est comment et pourquoi.

Ce vrai jeu d’enfant, le premier livre publié de François-Xavier Dilland est bien construit, avec un suspense qui ne se démet pas. Le traitement de l’intrigue, la construction des personnages, le découpage dynamique, la forme narrative peu commune en font un roman de caractère.

Serge Perraud

François-Xavier Dillard, Un vrai jeu d’enfant, coll "Thriller policier", Fleuve Noir, janvier 2012, 240 p. - 18,20 €

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