"Macao Blues", le retour de John Rain

Pas de trêve possible pour John Rain, malgré une tentative de se fondre dans l'anonymat des ressortissants japonais implantés au Brésil. Il veut se poser, faire le point sur sa vie quand il vient d'échapper à la mort et à l'amour (1), mais sa spécialité de tueur sans trace le fait rechercher et la CIA lui confie bientôt une nouvelle mission : Belghazi, trafiquant d'armes, en transit à Macao pour y assouvir sa passion du jeu et sans aucun doute conclure un contrat de son fructueux négoce. 

Mais John Rain n'est plus le même, il s'équipe de gadget comme un vulgaire James Bond, tourne autour de sa proie sans parvenir vraiment à pouvoir décider de son sort, se laisse prendre aux fils de plus en plus nombreux de la nostalgie d'une vie normale, et, encore une fois, tombe amoureux. En un mot : le héros vieilli ! Il est encore alerte, musclé et capable de tuer à mains nues plusieurs hommes armés et entraînés, mais ce n'est plus comme avant, une manière de lassitude s'empare de lui.

Deux personnages surgissent dans cet épisode : l'ami et la belle. L'ami, c'est une manière de grosse brute bourrue et tireur d'élite, caractère de cochon mais grand cœur, qui va aider John  Rain à mener à bien sa mission, en souvenir du bon vieux temps... La belle, c'est sans doute une espionne, en tout cas elle lui fait oublier ses précédentes conquêtes... L'ennui, c'est qu'il doute de son identité : il la retrouve dans la chambre de Belghazi avec lequel elle est en train de trafiquer son ordinateur portable : elle protège sa fuite (il a manqué sa première tentative d'approche furtive et de meurtre à la manière de la nature…) mais semble aussi se servir de lui. Quelle organisation l'emploie ? Une partie de l'intrigue de ce nouvel opus s'organise autour de cette femme, belle et mystérieuse, qui pose à Jonh Rain les questions essentielles, de part son engagement patriotique (2), sur sa propre vérité, lui, le tueur à gage toujours à fuir ses souvenirs et ses sentiments. 

« Une cible à moitié arabe, une équipe d'assassins arabes, un agent de la CIA qui essayait de mettre un contrat sur ma tête… Même pour un type comme moi, qui collectionne les ennemis, il était difficile de croire à une pure coïncidence. »

Fuir également ses ennemis, car il a sur ses traces, outre les Saoudiens et les Yakuzas, plusieurs trafficants et, comble du vice, une partie du réseau CIA qui détourne à son profit les consignes des gouvernements pour devenir part entière des traffics d'armes lourdes. La partie est compliquée pour John  Rain qui doit à la fois mener à bien sa mission et trouver au sein de la CIA son « employeur » la brebis galeuse, le tout sur la base d'une liste noire — antérieure au 11-Septembre mais réactivée après l'attentat — palmarès des terroristes les plus recherchés.

Si cette nouvelle aventure n'apporte pas grand chose pour ce qui est de l'intrigue policière et des combats, Barry Eisler se montre très odacieux en osant inscrire son personnage dans le temps et dans l afragilité de l'âge : sans aide, John Rain n'aurait sans doute pas réussi cette fois-ci, et c'est toute sa vie fondée sur le contrôle absolu de ses mouvements et de sa propre capacité de défense qui s'écroule : il ne reste qu'un homme, sous le masque du super-héros. Le grand plaisir du livre est là, car, pour le reste, il hésite trop entre aventures, policier, espionnage et théorie du complot pour faire un vrai roman noir profond.


Loïc Di Stefano


(2) Au détour d'une phrase, sur laquelle personne n'a hurlé encore, Barry Eisler trahit son engagement : « J'avais l'habitude de traiter avec les services secrets occidentaux et les yakuzas, pas avec d'éventuels fanatiques issus d'une culture qui avait jadis inventé l'arithmétique, mais dont la plus récente contribution remarquable à la civilisation universelle était les attentats suicides. »


Barry Eisler, Macao Blues, traduit de l'anglais (US) par Pascale Haas, Belfond, « nuits noires », février 2006, 381 pages, 20 € 




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