Karen Maitland, "Les Âges sombres", pour ne plus jamais chantonner "promenons-nous dans les bois..."

D'une écriture qui nous plonge avec une rare maîtrise dans l'Angleterre du XIVe siècle, Karen Maitland poursuit son oeuvre magistrale et sombre. Après La Compagnie des menteurs, qui nous plongeait dans une course contre la peste, elle déploie dans Les Âges sombres son talent pour faire vivre le mystère d'une communauté religieuse en pleine tourmente.

Les Béguines, femmes vouées à Dieu tout en restant laïques et séculières, sont installées depuis plusieurs décennies en bordure de forêt non loin d'un village lui-même isolé du monde. En pleine crise de paganisme, alors que la famine décime le pays, les béguines doivent lutter à la fois contre l'influence d'un ordre ecclésiastique qu'elles récusent et contre les accusations de sorcellerie qui entourent leur présence même. Il faut également compter sur le suzerain local, qui entend exercer son droit avec brutalité, ainsi que sur une congrégation païenne qui va tenter de faire rejaillir sur les béguines les maux dont on les accuse...

C'est dans cette atmosphère de querelles qu'un groupe d'hommes, formés a priori par de vils desseins, va faire revivre un mythe ancestral terrible. Et que les meurtres vont commencer. Et que le paisible village de congénitaux va sortir de son isolement et rencontrer les forces du Mal. Tout est en place pour l'avènement du pire.

C'est avec une érudition incroyable, mise en valeur et non écrasante, que Karen Maitland égare son lecteur comme dans cette forêt vouée aux âges primitifs et superstitieux tout en posant que les fondements politiques des superstitions. Après ce livre d'une noirceur délicieuse, vous ne ferez plus d’anodines promenades en forêt...


Loïc Di Stefano


Karen Maitland, Les Âges sombres, Sonatines, avril 2012, 21,30 euros

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