Serge Brussollo, avec "La Fille de l’archer", vise droit au but !

Wallah est la fille Gunar, un imposant archer scandinave qui a quitté sa terre natale. Bien que celui-ci soit malade, ils arpentent, pour survivre avec une troupe de baladins, le Royaume de France en pleine Guerre de Cent-ans. Chaque jour apporte son lot de surprises et de danger. D’autant plus lorsque Bézélios, le chef de leur troupe, commet l’imprudence d’accepter un défilé dans le château d’un noble. Celui-ci, grâce à ses chiens de chasses, se rend compte que les forains ne sont que des imposteurs et, de fil en aiguille, le procès que leur intente l’Eglise mène l’Orang-outan – qui déguisé en monstre et appelé « L’homme tombé de la Lune » était source de revenu pour la troupe – au bucher. Le feu de joie se transforme alors en incendie et la troupe doit fuir loin des terres du Baron Malvert de Ponsarrat tandis que ses écuries brûler.

Cependant, dans la forêt, Gunar meurt. Wallah l’entèrent et, tandis qu’elle s’égare dans les bois, rencontre une vielle dame qui lui offre le pouvoir de ne jamais rater sa cible en tirant à l’arc. A l’unique condition – car les sorcières ont toujours des conditions – qu’elle échange la vie de l’infortunée créature contre une année de la sienne… La jeune fille accepte, ne sachant pas que, par là, elle excitera les convoitises de beaucoup de monde : Ponsarrat et Bézélios ne seront que deux parmi une légion de personne voulant mettre ce don à profit.

La troupe, avec sa nouvelle chasseresse, se lance donc à la poursuite d’une créature monstrueuse à deux têtes dans les montagnes de France pour le compte d’un seigneur maudit. Mais la chasse tourne rapidement à l’enquête : qui, dans les cols de la région, manipule qui ?

 

Serge Brussolo signe ici un thriller médiéval. Si l’époque est peu reluisante, il exploite la vérité historique pour y ouvrir une brèche avec les superstitions des petites gens de cette époque, perdant avec délectation son lecteur dans les chemins du fantastiques : le mélange de l’histoire à une faible dose de "magie" laisse, jusqu’à la fin, planer le doute sur le résultat de l’enquête de Wallah : le monstre existe-t-il ? Est-ce l’abominable homme des neiges ? Un Quasimodo ? Un rejeton de Satan ?...

Cependant l’auteur à préféré retirer les choix moraux de sa héroïne et s’est, à notre goût, fermé des portes intéressantes : exceptés les deux tirs "tests", elle n’a pas réellement de véritables options lorsqu’elle doit utiliser son pouvoir et sacrifier une année de sa vie. Sans presque qu’aucun état d’âme, en cherchant juste (sur)vivre, elle passe de gardienne d’Orang-outan à assassin sans vraiment culpabiliser.

Certes, il est tentant de souligner que nous n’avons pas entre les mains un ouvrage chevaleresque ou courtois comme il est possible d’en voir chez Chrétien de Troyes. Wallah est un archer. Et les archers, pour les nobles français, ne sont des gens d’honneur : ils tuent à distance ! Brussollo nous le rappelle constamment lorsqu’il nous parle d’Azincourt (bataille qu’il décrit un peu trop souvent dans le livre). Toute l’œuvre tourne ainsi autour de morts absurdes et ceux qui devraient vivre et auxquels nous nous attachons rejoignent Hadès tandis que les pires des humains survivent… Au final, c’est un juste Moyen-âge sombre, violent et injuste qui s’offre à nous : soyons honnête, c’est plutôt agréable !

 

En soit, l’écriture permet au lecteur d’apprécier pleinement le scénario d’un maître du genre. Sans fioriture inutile, avec le soupçon nécessaire de fantastique pour nous dépayser, La Fille de l’Archer est un roman à lire pour tous les adeptes des enquêtes médiévales !

 

Pierre Chaffard-Luçon

 

Serge Brussolo, La Fille de l’archer, Fleuve Noir, Thriller policier, juin 2012, 304 p.18,50 €

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