Quelques jours après la bataille d'Iwo Jima, la flotte américaine s'approche des côtes d'Okinawa. Mars 1945, la population est mobilisée, et les collégiens sont les plus fervents volontaires pour participer au combat et mourir pour la Patrie. Shinichi Higa, quatorze ans, est affecté comme estafette puis brancardier, et c'est à travers ses yeux d'enfants que le lecteur de ce très beau roman va vivre l'invasion américaine et la prise de conscience des réalités de la guerre. 

Loin des fantasmes d'héroïsme qui ont forgé l'idéal du sacrifice japonais, et même si ces figures sont bien présentes dans le récit (comme ces soldats qui se jettent avec leurs explosifs sous les chenilles des chars), Mourir pour la Patrie relate le quotidien d'un enfant-soldat sous les bombes alors que tout son univers s'écroule et que l'ennemi jusqu'alors improbable devient réel. Ce hiatus entre le fantasmé et le réel, qui forme une des forces de ce récit, entre la naïveté infantile et l’horreur. Mais la volonté de Shinichi de mourir pour son Empereur en montrant sa bravoure va se heurter à la nécessité de survivre, entre ses différentes missions sous le fracas des bombes, dans les cavernes où s'abrite la population, dans les chemins de boue, dans les corps en souffrance qui s'accumulent, dans les yeux des jeunes infirmières horrifiées, dans souvenirs de ce que fut Okinawa avant que le rêve de la bataille ne devient réalité. 

 

Loïc Di Stefano

 

Akira Yoshimura, Mourir pour la Patrie, traduit du japonais par Sophie Refle, Actes sud, janvier 2014, 174 pages, 18,50 eur