"D’excellents voisins" : Sexe, drogues et rock n’ roll dans l’autre pays du fromage

« I hope I die before I’m old », The Who

Saskia Noort est devenue célèbre aux Pays-Bas en 2003 dès son premier roman, Retour vers la côte, adapté au cinéma en 2009 (dont le succès n’a guère dépassé les Pays-Bas et la Flandre). Depuis, elle surfe sur la vague de ce premier succès en décalquant la recette du thriller telle que déclinée dans les séries télé américaines. Alors, qu’en est-il de ce roman ?

Peter et Eva emménagent dans une maison trop grande pour eux, depuis la perte de leur bébé Lieve, pour laquelle ils avaient spécialement emménagé dans cette banlieue confortable d’Amsterdam. Le couple est au bord de l’implosion, Eva ne s’est toujours pas remise de la mort de leur enfant, et Peter se sent totalement impuissant, notamment durant ces sessions de couple chez la psy, auxquelles tient Eva et auxquelles Peter se plie sans vraiment y croire. Leur nouvelle maison, leur nouveau quartier, tout est fait pour leur rappeler l’absence de Lieve. Jusqu’à leur rencontre avec leurs voisins, Rebecca et Steef, couple séduisant et libéré, qui vont venir bouleverser leur couple et leur quotidien. Entre drogues et échangisme, se noue le destin de ces deux couples qui n’auraient sans doute jamais dû se rencontrer. Et comme dans tout thriller, les évènements prennent un tour tragique... A croire que l’auteur a voulu réécrire le scénario du Lune de fiel (quitte à choisir, elle aurait d’ailleurs pu s’inspirer d’un meilleur film de Roman Polanski que celui-ci…).

Se baladant entre le thriller psychologique et la chronique sociale de ces nouveaux riches de banlieue, l’auteur promène le lecteur d’un personnage à l’autre, montrant leurs faiblesses, leurs souffrances et une folie meurtrière latente. On se laisse porter tant bien que mal, les références musicales permanentes aidant à ne pas s’endormir, en tout cas pour qui aime le rock des années 70 et 80. Peter, DJ raté, devenu journaliste sportif par contrainte plus que par choix, se rattache sans cesse à la musique pour donner un sens à une vie qu’il n’a pas vraiment choisie, hormis son amour aujourd’hui impossible pour Eva, névrosée de première depuis la mort de leur bébé.

Avec ce roman, Saskia Noort a essayé de pousser plus loin le thriller qu’elle ne l’avait fait auparavant. Si elle donne quelque substance à ses personnages, l’ensemble reste très superficiel, tout de chic et de toc. Alors pourquoi un tel succès dans son pays ? Non pas que les Néerlandais n’aient pas de goût ; ils ont en fait, semble-t-il, reconnu l’appel à la consommation bon marché, à la culture trop américanisée d’une société en quête d’identité en ce début de XXIe siècle. D’excellents voisins en est la parfaite illustration. Les qualités de ce roman sont donc plus à envisager à son corps défendant, et surtout à celui de son auteur : heureusement, la littérature néerlandaise est plus riche que le compte en banque de certains de ces représentants.

Glen Carrig

D’excellents voisins, Saskia Noort, traduit du néerlandais par Mireille Cohendy, Gallimard, collection Folio, mai 2012, 400 pages, 7,50€

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