Hemley Boum : dialogues des âmes

L'écrivaine camerounaise poursuit sa route au côté des anonymes et des us et coutumes des populations ignorées, leur spiritualité et leur organisation sociale. Elle donne voix à celles et ceux qui n'en n'ont pas.
Loin de l'exotisme jaillit la complexité humaine dans les lieux qu'elle connaît le plus. Elle écrit sans tabou. En ce sens elle est engagée mais en toute liberté là où le sujet reste l'être humain dégagé de sa condition d'esclave afin de faire vivre ce qui est en lui mais qui lui est refusé au sein de divers types de spoliations.

Ici à travers trois femmes. La première au soir de sa vie repasse en revue son histoire mouvementée. Sa fille à ses côtés entreprend un même chemin. Tina une rescapée des camps de Boko Haram commence sa reconstruction intérieure. Contre le silence qui recouvre l'Afrique elle va au delà du simple travail de mémoire. La femme - à travers ces trois exemples - acquiert tout son rôle. Celui qu'elle avait jadis et qui la fit parfois prétresse. Elle lui ré-accorde un statut.

Adepte d'une écriture "en éventail" elle vers l'intime pour le dire afin d'explorer le désordre humain. Car rien chez elle n'est univoque. D'où l'importance des histoires dites "petites" et étouffées par celle de l'Histoire qui recouvre tout dans ses versions plus ou moins discutables. Existe toujours chez elle un dialogue des âmes dans un regard original sur le monde et la manière d'envisager la fiction dans un quant-à-soi, une ossature, un ancrage qui dépasse largement une vision étroitement serrée.

Où que soient ses femmes et quoiqu'elles ressentent, Hemley Boum demeure la soeur de celles qu'oublient souvent bien des intellectuels plus ou moins condescendants face aux oubliées ou effacées. Brillante et intelligente, l'auteure par ses "paris" littéraires ouvre le monde et résiste aux obscurantismes qui font florès.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Hemley Boum, Les jours viennent et passent, Gallimard, octobre 2019, 368 p.-, 21€
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