Oradour, 10 juin 1944, ville martyre et symbole récupéré par une France outragée

Le fait est que, dans la mémoire collective d'une nation, un événement peut être plus profondément ancré qu'un autre. Pour les Français, le massacre de la population non belligérante et non résistante d'Oradour-sur-Glane par la division Das Reich est au premier rang de tous. La mémoire du crime le plus ignoble parce que commis sur une population innocente et sans défense, par une troupe barbare dans ses méthodes et sa volonté de détruire, est devenu symbole de toute une nation opprimée. Le lieu, resté en l'état, stigmatise même les visiteurs du violent « souviens-toi ! » Mais la face cachée de la mémoire est assez déroutante, et Sarah Farmer, dans un travail rien moins que très abouti et passionnant, dresse le portrait d'une mémoire qui s'est développée sans naturel et à dessein.10 juin 1944, la division Das Reich, connue pour ses déviences, tombe sur Oradour-sur-Glane, petit bourg paisible, sépare les hommes et les femmes, fusille les hommes et met le feu à la grange où étaient entassées les femmes et les enfants. Le village est cerné, les fuyards abattus. Seuls quelques « chanceux » survivront, cachés dans une grange sous les cadavres de leurs amis ou transis dans le cimetière. Quand tout est mort, la ville en feu, la division s'en va. Fin de l'histoire. Pourtant ces faits sont lourds de conséquences, et s'il existe d'autres villages martyres — dont certains auront du mal à faire reconnaître leux douleur — c'est cet événement précis qui permet à la France de sauver son âme au regard des nations du bien.« Les récits de commémoration du massacre insistent sur les expérienes personnelles de l'horreur et non sur la guerre et l'Occupation. L'histoire de la commémoration d'Oradour-sur-Glane est dans une large mesure celle de l'effacement des circonstances historiques et politiques particulières pour parvenir au symbole universel de l'innocence outragée. »Sarah Farmer, sans nier le moins du monde le monstrueux de ce crime de masse, le replace dans l'Histoire d'où il avait été extrait par les politiques. Car au sortir de la guerre, il faut vite faire oublier la collaboration, et montrer la France comme la victime terrorisée. Pourtant, un réseau de circonstances bien réelles dévoile que le massacre n'a rien ni d'isolé ni de gratuit. Oradour-sur-Glane est dans une région où la résistance commence à s'agiter et s'en prends aux garnisons, une bataille rangée a même eu lieue à Limoges. D'autres faits, tissés, s'ils ne justifient en rien de l'acte barbare, le pose dans un contexte où, d'abord il n'est pas seul, et ensuite il n'est pas forcément inexpliqué. La division Das Reich sème un chemin de mort de son lieu de garnison au front de l'Ouest où ele est envoyée, d'autres villages auront à subir sa folie, comme antérieurement en Pologne et sur le front de l'Est. Plusieurs actions non cncertées de la Résistance vont mettre le feu aux poudres, si bien que l'Occupant allemand, qui ne prend plus aucun gant avec la zone dite « libre », sème la mort pour l'exemple. Oradour-sur-Glane est sur le chemin, un parmi d'autres. Pourtant, il sera choisi, au détriment des autres — plusieurs élus et ministres refusant de se rendre à la commémoration d'un autre village martyre pour concentrer l'horreur sur Oradour-sur-Glane : car dispersée sur plusieurs lieux, l'horreur perdait de son caractère excpetionnel et, de fait, perdrait sa vertu exemplaire. la France, tout entière, unie dans la souffrance, est la victime de l'occupant, voila ce que la martyologie érigée en dogme à Oradour-sur-Glane doit montrer, quitte à « embellir » le monstre de quelques actes précis et faux (le boulanger brûlé vif dans son four, les viols, etc.)Cet essai, qui montre que la mémoire est falsifiée, est d'une utilité fondamentale. Non seulement il revient sur un grand nombre de contre vérité au sujet du massacre lui-même — sans en atténuer l'horreur — mais en plus il lui rend sa dimmension théâtrale imposée par la commémoration érigée au rang de paravent national : si Oradou-sur-Glane a pu avoir lieu, c'est que la France, toute la France est une victime de la barbarie. Oubliez Pétain et la Collaboration, Oradour-sur-Glane est la preuve devant l'éternité que la France est une blanche colombe outragée ! Une remise en ordre nécessaire.
Loïc Di Stefano 

Sarah Farmer, Oradour, 10 juin 1944, Perrin, "tempus", 314 pages, avril 2007, 8,50 euros

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