"La Cour de Versailles au XVIIe et XVIIIe siècles", un classique un peu daté...

Jacques Levron (1906-2004) a connu une longue carrière d’archiviste dans plusieurs départementaux français. Ce Breton de naissance a été aussi professeur aux Facultés catholiques de l’Ouest. Il a publié chez Perrin plusieurs ouvrages dont Mademoiselle de Charolais (1991), Les Grandes Heures de l’Anjou (1993) ou Les Inconnus de Versailles (2003).

L’écriture soignée de Jacques Levron sert une évocation érudite de la cour et du chef-d’œuvre du classicisme français…

Après avoir souligné le rôle, assez méconnu du grand public aujourd’hui mais fondamental, joué par Henri IV et surtout Louis XIII qui aimaient chasser et se divertir près de Paris, autour du village de Versailles, Jacques Levron, jouant savamment d’anecdotes, revient sur la « construction » et l’évolution de la cour de Versailles de Louis XIV à Louis XVI. À partir des nombreuses sources auxquelles il avait accès, revisitant le plan et le décor du château, décrivant « la journée du roi » rythmée par l’ordonnancement de « l’étiquette » du palais ou celles des indispensables « inconnus » de Versailles qui ont réussi la prouesse de faire fonctionner l’imposante « machinerie royale », l’archiviste parvient sans peine à nous raconter la vie de cour aux XVIIe et XVIIIe siècles. 


…cependant datée scientifiquement

On regrette toutefois la troisième réédition d’un livre par trop événementiel et surtout daté d’un point de vue scientifique. Les éditions Perrin auraient dû proposer à un historien de rédiger un avant-propos à l’ouvrage, resituant ainsi le projet de Jacques Levron par rapport à l’historiographie générale du sujet qui a fait beaucoup de progrès depuis… 1965. Le livre, qui a près de cinquante ans, méritait-il, sans autre exposé, une nouvelle publication au risque de laisser perdurer certains clichés comme ceux touchant à Marie-Antoinette dont le portrait épouse en partie les griefs formulés à la fin du XVIIIe siècle ? Pourtant, le même éditeur a eu la bonne idée de publier en 2006 les travaux d’Annie Duprat qui ont déconstruit justement les caricatures véhiculées par les royalistes puis les révolutionnaires contre la reine d’origine autrichienne.

L’archiviste ne mentionne pas, par ailleurs, dans sa courte bibliographie, les travaux innovants du sociologue Norbert Elias sur la « société de cour » (1933). Cette absence, à elle-seule, discrédite la réédition du présent livre. Si l’éditeur avait fait correctement le métier, il aurait aussi pensé à mieux réactualiser les sources bibliographiques pour l’essentiel arrêtées avant 1965, en citant alors les apports nouveaux des travaux de Frédérique Leferme-Falguière (Les courtisans, PUF, 2007) sur la participation de la haute noblesse au cérémonial royal, ceux de William Newton sur « l’espace du roi » (Fayard, 2000) confronté aux remises en question de l’absolutisme par la société et par les dépenses croissantes de fonctionnement de la cour. Il aurait pu mentionner l’apport des analyses de Gérard Sabatier (Versailles ou la figure du Roi, Albin Michel, 1999) qui défend l’idée d’un « impossible fantasme de l’absolutisme » ou celles plus « anciennes » de Jean-Michel Apostolides (Le Roi-machine, Minuit, 1981) réinterrogeant les rapports entretenus entre le spectacle et la politique au temps de Louis XIV. Joël Cornette quant à lui nuance le mythe de la « réduction à l’obéissance » de la noblesse dont une faible partie a été à la cour du roi (Versailles. Le pouvoir de la pierre, Tallandier, 2006).

À l’heure de la médiatisation du Château de Versailles qui abrite l’exposition controversée de l’artiste japonais Takashi Murakami (du 14 septembre au 12 décembre 2010), les éditions Perrin auraient pu fournir, à l’usage du grand public, une lecture la moins datée possible de la cour de Versailles aux XVIIe et XVIIIe siècles. 


Mourad Haddak


Jacques Levron, La Cour de Versailles au XVIIe et XVIIIe siècles, Perrin, « Tempus », août 2010 (Hachette, 1965, Hachette Littératures, 1999), 384 pages, 9 € 

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