Jacques Géraud ou Proust dans tous ses états

Proust est sans doute l’auteur français  le plus commenté, décortiqué, explicité. Qu’ils analysent La Recherche avec une rare sensibilité (comme Nicolas Grimaldi par exemple) ou bien avec leurs gros sabots, les exégètes de Proust ont un point commun : ils appréhendent son œuvre de l’extérieur. Comme Elstir, la palette à la main, interprète sur sa toile la plage qu’il a sous les yeux. Jacques Géraud, lui, procède différemment. Depuis longtemps déjà, ce spécialiste de Proust a choisi de s’immerger au cœur même du paysage afin d’en secouer les parasols, de se rouler dans le sable et de singer les promeneurs qui passent sur la digue. Ses facéties, qui n’ont rien de mineures, ne poursuivent pas d’autre but que de s’établir à l’intérieur du moi proustien afin de le faire miroiter diversement. Voilà comment Jacques Géraud fait d’une pierre deux coups : interpréter – en la parodiant – l’œuvre de Proust, et construire en même temps une œuvre d’écrivain. Essayiste et romancier à la fois. Le beurre et l’argent du beurre. Quant au sourire de la crémière, il pourrait se dessiner sur les bonnes joues rouges de celle-ci, car l’humour est le premier dégât collatéral de la déconstruction proustienne.

Cette approche originale de La Recherche du temps perdu est à découvrir avec Proustites (P.O.L.) Petits Proustillants (PUF), et çà et là également dans Motodrome, publié il y a quelques semaines à peine chez l’Arbre Vengeur. Si, dans ce petit livre parodique, l'auteur fait la part belle aux personnages proustiens, il n’oublie pas Flaubert, Beckett, Valery ou encore Céline, en nous entraînant notamment dans un rafraîchissant  Voyage au bout de l’inouï ! 


Thierry Maugenest

2 commentaires

C'est souvent en maîtrisant la parodie que l'on montre sa vraie connaissance des oeuvres et son véritable attachement à l'auteur. A la manière de est un genre à part, mais plus riche que la simple plaisanterie

C'est vrai, oui, Proust lui-même est d'ailleurs l'auteur de pastiches remarquables.