Eugène Savitzkaya : poétique de l'existence
L’écriture
de Savitzkaya se fait de plus en plus litanique et incantatoire, presque
hypnotique. Se lie l’infime à l’immense loin de tout effet spectaculaire. C’est
en cela que l’oeuvre fascine puisqu’elle
réunit les contraires en une harmonie avec la nature grouillante. Il s’agit de
s’abîmer dans une extase nue. Un alphabet tordu redresse l’écriture
avec des lignes de mots droits. Qu’importe si le temps était en colère :
la patience infinie des pages de l’auteur l’apaise. Arrachant les mauvaises graines de la culture chaotique, Savitzkaya
permet à l’inconnu de reculer. L’encre ne tombe plus sur la page : elle
prend la forme d’un nuage blanc. Le style est simple parce qu’il mesure la
complexité des choses là où la mémoire se perd dans un passé dont l’auteur
belge imagine les souvenirs. L’écriture paraît
minuscule parce qu’elle veut sauver l’enfance avec des mots lisibles.
Ils désertent son absence au moment où leur auteur préfère être fou et fraudeur d’être plus
proche des animaux que des hommes.
Jean-Paul Gavard-Perret
Eugène Savitzkaya, « À la cyprine », Editions de Minuit, poèmes, 2015, 104 p. , 11,50 €, « Fraudeur », roman, Editions de Minuit, 2015 , 168 p. 14,5 €.
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