Marie de Quatrebarbes : repartir

Marie de Quatrebarbes propose d'étranges instants revenants pour épuiser la douleur et ses inexorables reflets. Au croisement de sa mémoire  elle expose le temps en ce qui se voudrait de stellaires écart : Au bord parfois très pentu où je me penche, je m’en vais m’aligner sur un espoir plus grand.

Pensant le passé en mouvement l'auteure trace quelque chose qui ne se détache pas du corps. Il s'agit d'organiser un rythme pour bercer la douleur, donner une pulsation de douceur  à ce qui ne peut pas se perdre.

Existe une mélancolie : celui du  deuil impossible, du  temps arrêté, figé, du corps enfermé dans un présent inerte et immobile et qui hurle pour se faire entendre, en silence.

Mais il faut recréer des déconnexions afin que la chaîne circonstanciée des événements  trouve peu à peu une autre traction.

D'où ce journal recomposé sur une période de six mois. Celui d’une disparition "espérant, dans l’intervalle ouvert par la disparition, appeler une autre mesure du temps que celle du deuil."

Le poème s'ingère dans la prose comme le souvenir d’une langue maternelle résiste à l’effacement. D'où des images de l’enfance, des mots  retrouvés qui jaillissent dans le langage pour le nourrir et assembler – au sein d'un puzzle – une systase de pièces apparemment dépareillées.

D'où cette déclamation. La déambulation engage le corps en se calquant sur son rythme. Et la scansion du texte épouse la respiration qui se voudrait enfin plus légère. Car, aux antipodes de la transparence, du tout dire, Marie de Quatrebarbes se fait entendre dans le clair obscur de son essence. C’est ce qui  donne son caractère mystérieux à ce beau texte . C’est ce qui offre au sujet un possible abri.


Jean-Paul Gavard-Perret


Marie de Quatrebarbes, Les vivres, P.O.L éditeur, juin 2021, 96 p.-, 12 euros

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