Habituellement, écrire ne me demande pas d’application, mais de la présence – ce que William Carlos Williams nomme se mettre en condition d’écrire – alors en soi, écrire n’est rien, rappelle Julien le héros de ce livre. Celui-là déjoue tout risque,  tel un acrobate qui nous porte aussitôt à rêver.
Mais pour une raison majeure : Christiane Veschambre invente une prose tendue qui se passe de raconter une histoire. Elle préfère des bribes de vie mises bout à bout avec humour là où le sérieux git dans les détails – mais pour nous réjouir.
Julien, aux cravates préfère un gilet fluo jaune, là où son cahier des rêves est nourri de songes inventés, logés là comme mal mariés et où nous pouvons nous demander si l'auteure ne s'est pas faite phagocyter par son héros.
Ses apparitions au sein même du récit sont suspectes. Et au lecteur de se demander si lui-même n'est pas en train de vivre un rêve éveillé face auxquelles les nocturnes sont de la roupie de sansonnet.

Jean-Paul Gavard-Perret

Christiane Veschambre, Julien le rêveur, Éditions Isabelle Sauvage, 2022, 84 p.-, 15€