La loi de la seconde chance - chronique d'une erreur judiciaire aux USA
James Sheehan est né à New York au sein d’une famille nombreuse et modeste. Il
suit le modèle du self made man, typiquement américain : responsable très tôt,
il poursuit des études de droits en Floride et devient avocat. Dans la loi de
la seconde chance, nous retrouvons le personnage de Jack Tobin dont le parcours
est étrangement similaire à celui de l’auteur. Nous l’avions découvert dans Le
prince de Lexington avenue (1) où il avait pris la défense d’un métis,
pauvre et simple d’esprit accusé de meurtre. Un coupable idéal pour le
procureur et le chef de la police pressés de boucler l’enquête et d’obtenir de
l’avancement. L’occasion pour l’auteur de formuler une première critique du
système judiciaire américain, critique qu’il poursuit dans la loi de la seconde
chance. Au cœur de ce roman, la peine de mort et le taux important d’erreurs
judiciaires menant à cette condamnation suprême.
Désigné coupable
Après avoir défendu Rudy Kelly, Jack Tobin a compris que sa vocation était de
représenter les condamnés à la peine capitale et de leur donner, s’il est
convaincu de leur innocence, une seconde chance. Cette seconde chance, il
décide de l’offrir à Henri Wilson, condamné à mort 17 ans auparavant pour avoir
tué un dealer. Rapidement, Jack met à jour les incohérences ayant mené à
l’arrestation et à la condamnation d’Henri, colosse noir et ancien dealer. Un
coupable idéal somme toute. Parallèlement, Benny Avrile, un braqueur de bas
étage, se retrouve accusé du meurtre d’un puissant industriel : le procureur
veut sa tête et requiert la peine capitale. Les deux histoires évoluent pour
enfin se confondre lorsque Jack décide d’assurer la défense de Benny.
Le schéma ressemble en partie à celui du prince de Lexington avenue : Rico, le
père de Benny est un ami d’enfance de Jack, tout comme l’était Mike Kelly, et
comme envers ce dernier, Jack ressent le besoin de payer sa dette. La
comparaison s’arrête cependant là. Les deux intrigues évoluent, se croisent et
il nous faut un bon moment pour comprendre le lien entre les deux. Les
multiples références au passé de Jack restent obscurs pendant une bonne partie
du récit avant de l’éclairer et de justifier l’intervention de Jack dans le
procès de Benny. A mon sens, la partie la plus intéressante n’est pas celle du
complot menant à l’arrestation de Benny, mais celle de la course contre la
montre de Jack pour sauver Henry Wilson.
7 condamnations à mort sur 10 prononcées
entre 1973 et 1995 ont dû être révisées à la suite de manquements graves à la
loi aux Etats-Unis.
C’est la conclusion d’une enquête menée par des chercheurs de la faculté de
droit de l’université de Columbia. Le caractère bâclé des procès, les doutes
sérieux qui pèsent sur certains verdicts, les incohérences des débats ou
l’indigence de certains avocats commis d’office, le traitement inégalitaire en
fonction des origines ethniques de l’accusé sont bien loin du modèle idéalisé
par les séries télévisées américaines. Le procès d’Henri Wilson réunit tous les
ingrédients de l’erreur judiciaire made in US : afro américain, drogué, il est
condamné à mort sur la foi du témoignage d’un seul homme, un indicateur en
liberté surveillée. Cet homme l’aurait accompagné à la demeure de sa victime se
rendant donc complice de ce crime. Pourtant il ne fut pas inquiété. Son avocat
lors du procès a laissé passer un témoignage incriminant une autre personne qui
a reconnu le crime, témoignage dont l’accusation avait connaissance mais dont
elle s’est bien gardée de faire mention. Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.
On mélange le tout et on obtient une condamnation à mort mais soyons généreux,
le choix de la méthode est laissé au condamné : injection ou chaise électrique.
Il suffit d’avoir vu la ligne verte pour comprendre que l’injection est le
pendant de l’invention de notre cher Guillotin (2). Il semble bien que trop
souvent l’efficacité prime sur la vérité.
Aujourd’hui 90% des exécutions dans le monde sont le fait de 4 Etats : la
Chine, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et l’Iran. « L’alliance entre
totalitarisme, fanatisme et peine de mort est historique. La question, dans la
marche à l’abolition universelle, est celle de la situation aux Etats-Unis,
seule grande démocratie à recourir à la peine de mort. (3) » Merci M. Badinter.
Julie Lecanu
(1) James Sheehan, Le prince de Lexingtonavenue, Belfond noir, septembre 2007.
(2) Joseph Ignace Guillotin, médecin et homme politique français, a donné son nom à la célèbre coupeuse de tête lors de la révolution française. L’utilisation de la guillotine pour les exécutions capitales était une garantie d’égalité : une même mort quelque soit le rang et l’état du coupable. Sa proposition visée également à supprimer les souffrances inutiles.
(3) Interview de Robert Badinter réalisée en septembre 2001. Pour en savoir plus sur l’abolition de la peine de mort : ici
James Sheehan traduit de l'anglais par Françoise Rose, La loi de la seconde chance, Belfond noir, septembre 2008, 439 pages
20,50 €.
0 commentaire