Bienvenue à Murderland, polar des mondes virtuels

« L'ordre et la connexion des idées sont la même chose que l'ordre et la connexion des choses. »
(Spinoza, L'Ethique)

Nathan est professeur à Harvard, et dès qu'il quitte ses étudiants il devient Nat, son avatar qu'il rejoint dans le jeu en réseau Island comme par manque, pour le « sentiment de liberté et de pouvoir » que cette vie virtuelle lui offre. Mais les passerelles d'un monde à l'autre vont s'établir, et l'anonymat garanti dans le jeu va sauter : des meurtres ont lieu de chaque côté de l'écran et chacun renvoie au même coupable, Nathan/Nat.

Le récit est à double entrée, d'un côté la vie de Nat dans Island.com et de l'autre celle de Nathan qui va d'un monde à l'autre et cherche à comprendre qui a pu investir le réseau et s'en prendre à lui, et surtout pourquoi. C'est sur Island que tout commence : Nat roule tranquillement quand une femme se jette sous sa voiture, seuls les témoins lui permettront de croire qu'il n'y ai pour rien. Mais il s'inquiète et va voir la police, une fois l'enquête close, pour évacuer son sentiment de culpabilité : tuer, même dans le virtuel, ce n'est pas son truc, à Nat. Tout se complique quand il commence à recevoir des messages disant qu'il a tué une autre femme de la même manière. Il comprendra que le réel de Nathan et le virtuel de Nat sont lié, malgré lui, quand celle dont le nom lui a été révélé dans le jeu est retrouvée morte et fait la une des journaux. Et ce n'est qu'un début, chaque nouveau mort réel ayant son double dans le virtuel et les deux formant un chemin tout tracé jusqu'à lui.

C'est en pénétrant dans le système, en cherchant l'avatar meurtrier que la solution des meurtres réels sera trouvée. Si tant est que ce soit réel, car Frédérique Molay brouille tout, et au moment de retourner toutes les cartes pour éclaircir le jeu, elle les reprend toutes et les redistribue : rien n'est réel, rien n'est virtuel, et dérouillez-vous avec ça ! 

Frédérique Molay nous promène gentiment d'un versant à l'autre de la réalité, en semant assez de confusion pour qu'on s'y perde mais aussi quelques indices pour qu'on s'y accroche. Le point de vue de l'auteur est assez nettement marqué et le virtuel reconnu coupable, quelques sentences morales passant par ci par là sur l'addiction, la perte des repères, etc., ce n'est pas forcément un truisme (1) mais pas non plus une franche découverte. L'écriture un peu froide, sans autre volonté que d'aligner les faits et qui rechigne à creuser ses personnages, ne gâche pas un scénario réglé dont on regrettera peut-être la fin « double-surprise » qui se veut une double-pirouette un rien inutile, parce que surtout le lecteur n'y avait pas été préparée (c'est une surprise, certes, mais sans lien logique avec le reste du récit, sans indice...), mais qui ferait un bon film s'il est adapté.

Loïc Di Stefano

(1) Tout bon hardcore gamer en a entendu autant que moi de ces réflexions... 

Frédérique Molay, Bienvenue à Murderland, Albin Michel, septembre 2008, 247 pages, 15 euros

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