"L'Homme pas Dieu" : un roman policier cocasse, une plume percutante

Quoi, un polar guadeloupéen ? Écrit par un Guadeloupéen ? Silence ! Lisez les premières lignes :  « Imagine-toi le réveil, sauvage, le pied du gros babylone dans la gueule : "Police, personne ne bouge !" L’épaisse botte noire lustrée avec la semelle en caoutchouc dur sur la joue que maman t’a donnée, sur les lèvres que ta mère a portées neuf mois durant dans son ventre… » Le pire est que le représentant de la mère patrie a marché dans un « caca chien ».

Brett Easton Ellis, allez vous rhabiller. James Hadley Chase, couché ! Raymond Chandler, lis ! Ouais, ça commence comme un polar, si on peut dire ça.  Allez réveiller Franz Fanon, qu’il écoute.


« Imagine-toi, 5 heures du matin : "Bouge pas connard !" » Il y a donc eu un meurtre, non, trois. Et Bobby pour les amis, M. Albert Gouti, professeur de sciences physiques, est un suspect. Un suspect sympathique, si bien bâti qu’il prévient les femmes qui s’allongent près de lui : « Chérie, fais attention à ne pas te blesser. » L’enquête va se poursuivre, avec violence, jusqu’à la dernière page et traverser la Guadeloupe et la société guadeloupéenne. À cette page-là, on s’avise qu’elle était vraiment la dernière : ce n’était pas vraiment un polar, mais un roman tragique.


L’écriture musclée, nette, rapide et chaude – c’est le mot qui lui convient le mieux – change beaucoup de lectures telles que Les soupirs du vent, d’Athénaïs de Saint-Désir, dont on a tant causé ces derniers temps. Et à propos, l’auteur sait user de l’imparfait du subjonctif. Si j’étais juré d’un de nos grands prix, je retiendrais Frankito, de son vrai nom Franck Salin. À propos, il a écrit la première pièce en langue créole représentée à la Comédie-Française ; ça s’appelle Bodlanmou pas lwen.

 

Gerald Messadié

 

Frankito, L’homme pas Dieu, Écriture, mars 2012, 237 pages, 18,50 €

 

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