"J'irais cracher dans vos soupes", quand la sauce ne prend pas...

Ancienne
commissaire divisionnaire, Danielle Thiéry a réussi à se faire une belle réputation d’auteur de romans policiers ces dernières années avec des titres comme le festin des anges et… Stop, ça ne va pas. Présenter cet auteur relève de la gageure. L’auteur de ces lignes confesse n’avoir jamais entendu parler d’elle jusqu’à ce livre. Et peu importe à vrai dire car seul compte le livre, l’ouvrage qu’il tient entre ses mains. Que madame Thiéry ait été une très bonne policière, qu’elle connaisse bien le milieu dont elle parle, dont acte… Tout dépend de ce qu’elle en fera.

Une satire…

Frédo le toqué est un des détenus les plus modèles de la prison de la santé. Pour se sustenter, il se cuisine des pigeons dans sa cellule en les faisant rôtir aux petits pois. Frédo a une obsession : faire payer aux grands chefs – qu’il jalouse secrètement à cause d’un lourd secret de famille — leur orgueil de maître du monde. Il profite du remue ménage provoqué par une visite de la ministre de la justice pour prendre la poudre d’escampette. Sur le modèle de Seven, Frédo décide d’utiliser la thématique des Sept péchés capitaux afin de piéger les grands chefs, jusqu’à remonter au grand chef Cobuse. L’auteur calque donc de façon répétitive la structure de son roman sur celle d’un menu. Chaque chapitre consacré aux escroqueries dont sont victimes les grands chefs se terminant de surcroît par la composition des plats préparés.

L’auteur donne des noms à ses personnages dérivés de personnages connus : ainsi le commissaire Broutard évoque l’adversaire de Mesrine ou la journaliste Laurette Ferrari une célèbre présentatrice. À ce jeu de massacre, le personnel politique n’est pas épargné : le président Dominique Galopin de Vilepeau, les ministre Bordoo, Ramina Grobi, etc… tout cela pourrait s’avérer réjouissant. Le ton satirique, le goût de la galéjade et la métaphore versant dans l’hénaurme –jeunes lecteurs, lisez les aventures de Luj’Inferman de Pierre Siniac aux éditions Rivages pour en savourer l’épice- font de très bons livres et permettent de passer au mieux des soirées qui s’annonçaient mal, entre pluies diluviennes et inspecteur Barnaby. Mais ici, ô grand dieu Pan, la sauce ne prend pas !

…Qui débouche sur l’ennui

L’auteur de ces lignes n’est pas un fin gourmet – except épeut-être e ncuisine du Sud-Est asiatique — et ne peut donc apprécier la composition des plats proposés par Danielle Thiéry. Il n’en est pas moins perplexe devant cet ouvrage, difficile à qualifier.

Nous ne sommes pas devant un roman de détection car le coupable est connu d’avance. Il ne s’agit pas plus d’un thriller, car peu de frisson est ici proposé. Roman noir ? La vision du monde l’est assurément, car de ses policiers imbéciles obsédés par la bouffe aux politiciens égocentriques, l’auteur nous offre un tableau du monde sans concession. Fredo le toqué serait-il est un justicier anarchiste, libertaire, voire nihiliste ?

Malheureusement, la satire est trop lourde, ne provoque aucun éclat de rire, même jaune. Les personnages n’inspirent que mépris et indifférence. Pierre Siniac, dont il faudra bien parler un jour ici, a sillonné la même voie que cet ouvrage propose mais arrivait par l’emphase et un lyrisme désespéré, véhiculé par un style truffé de trouvailles argotiques, à nous retourner les tripes. Rien ici dans cet ouvrage où tout – sujet, intrigue, suspense cher au gros Alfred — semble couru d’avance. Une déception.

Sylvain Bonnet

Danielle Thiéry, J'irais cracher dans vos soupes, Editions Jacob Duvernet, Janvier 2011, 263 pages, 16,90 €

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