Des liens trop fragiles de Brian Morton - Destins croisés à New York

DES LIENS TROP FRAGILESEléonore et Adam tout d’abord. Le roman s’ouvre sur leur rencontre dans un café au cœur de New York pour signer les papiers mettant un terme définitif à leurs 35 années de mariage. Lui est un écrivain ayant connu le succès quelques années auparavant : il est cynique, opportuniste, un digne représentant d’un monde littéraire impitoyable. C’est sans regret et même avec soulagement qu’il largue sa femme pour parader aux bras d’une jeune louve, Théa, dans les salons littéraires.

Eléonore est le stéréotype de la mère et de l’épouse qui s’est dévouée toute sa vie au bonheur des siens avant de se faire jeter comme un kleenex. Psychologue, Eléonore essaye tant bien que mal de refaire sa vie avec ses 59 ans et ses 15 kilos en trop. Devant l’égoïsme de son ex, on comprend qu’au terme de leur rencontre, elle n’ait qu’une envie : se servir de sa figure comme d’un presse agrume pour le pamplemousse qu’elle a commandé.

Maud, leur fille de 29 ans, est une brillante philosophe. Grande, belle, elle mêle à la fois force et une extrême fragilité qui l’a déjà fait sombrer dans deux dépressions. Elle dissèque et analyse sa vie par un questionnement systématique. Cet équilibre qu’elle a trouvé, est remis en cause par sa rencontre avec Samir. Si les opposés s’attirent, c’est deux là sont faits pour être ensemble. Elle est juive, il est arabe. Elle est extravertie, il est renfermé sur lui et sur sa douleur. Cette rencontre les bouleverse tous les deux, ils refusent cette relation mais ne peuvent y échapper. Au moment où l’équilibre se crée pourtant entre eux, tout s’effondre.

Face à la fragilité des liens unissant ces personnages et face aux accidents du destin, Brian Morton décortique leur psyché, leurs interrogations et les réponses qu’ils y apportent avec cynisme, humour et tendresse. La rupture conjugale, les ravages du temps, les amours contrariés et l’amour maternel sont rendus avec justesse et retenu dans un New York littéraire, impitoyable où l’ambition et l’introspection tentent de faire bon ménage. Pour un peu, on se croirait dans le dernier Woody Allen : Mya Farrow dans le rôle d’Eléonore, Soon-YI Previn dans le rôle de Théa, Woody Allen dans celui d’Adam.

Julie Lecanu

 

Brian Morton,  Des liens trop fragiles, Belfond, janvier 2008, 361 pages, 20 €

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