L'Invisible de Pascal Janovjac - "C'est parce que je rêvais d'être vu que je suis devenu invisible"

L'INVISIBLELe narrateur a 35 ans, un poste important dans une banque au Luxembourg, un gros salaire, un grand appart' mais rien d’autre. Ses relations sociales sont limitées : d’abord son supérieur obséquieux qui le considère comme un raté mais le garde sous le coude pour effectuer les tâches ingrates. Ensuite, Margot, la secrétaire dévorée par l’ambition qui couche avec le patron, histoire de respecter les clichés. Objet de désir frustré, elle lui accorde autant d’attention qu’à chewing gum collé à sa Prada, quoi qu’à bien y réfléchir ce serait toujours mieux que l’ignorance dont elle le gratifie. Sa vie amoureuse est toute aussi vide, les femmes ne lui prêtent aucune attention en dehors de sa femme de ménage. Le constat sans appel est affligeant : il est invisible aux yeux des autres, il n’a pas plus d’importance qu’un vermisseau dans la chaîne sociale humaine.

«C’est parce que je rêvais d’être vu que je suis devenu invisible»

Retenu en voyage d’affaire à Paris, le narrateur croise un soir trois voyous qui semblent prêts à le détrousser. Abriter sous un porche, il se fait petit, petit, tentant de disparaître façon passe-muraille. Vœu exaucé ! Il se réveille dans sa chambre d’hôtel : comme Peter Pan, il cherche son ombre et la seule trace de sa présence dans la chambre sont celles de ses pieds humides et de son corps dans le matelas. Il se retrouve dans la peau du héro de H.-J. Wells : il découvre et savoure la toute-puissance que lui confère son invisibilité. Vengeance, voyeurisme, petits larcins sont au programme. Notre homme invisible compte bien profiter des avantages que lui procure son nouvel état qui lui permet également d’être un observateur privilégié des relations humaines. Il devient Dieu : omniprésent et quasiment omniscient, il observe les passions et les désirs les plus inavouables des hommes. Il n’a jamais autant existé qu’en étant invisible aux yeux du monde.

Les hommes ne croient que ce qu’ils voient

Notre presque tout puissant narrateur est bouleversé par une rencontre avec un mystérieux jeune homme. Il décide de le suivre, de poursuivre son but qui le mène en Israël, dans la bande de Gaza. Le but du jeune homme : retrouver celle qu’il aime. La terrible vérité s’impose alors à notre homme invisible : la nécessité d’être vu. Cette nécessité le mène au bord de la folie où finalement il va finir par se retrouver. Il veut être vu : il hurle, touche, bouscule et manque de mourir parce qu’il ne peut être vu et que personne ne croit donc en son existence. Quelqu’un doit croire en lui pour qu’il redevienne visible. C’est grâce à une femme qu’il retrouve sa consistance et recouvre la vie, la vraie.

L’invisible est une fable acide et parfois cruelle sur les relations humaines où plutôt sur le manque de relations qu’entretiennent les hommes, sur leurs superficialités qui finalement nous rendent invisible aux yeux de ceux que nous côtoyons tous les jours. Le style est percutant et reflète l’aigreur du narrateur.

Si comme Saint Thomas, nous ne croyons que ce que nous voyons, peut-être serait-il temps de prendre le temps de s’intéresser à ceux qui nous entourent. Tel semble être la morale de cette histoire qui perd cependant un peu de sa consistance, surtout sur la fin. La comparaison avec l’œuvre de H.-J. Wells doit donc rester prudente. 

Julie Lecanu

 

Pascal Janovjac, L'invisible, Buchet Chastel, août 2009, 301 pages, 17 € .

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