Le Cabaret discrépant : un spectacle qui porte la réflexivité jusqu'à ses points de rupture.

Le spectacle commence dans le hall du théâtre, par une lecture d’un texte mettant facilement en abyme la conflictualité humaine. Le propos se prolonge dans les étages, donnant l’occasion aux spectateurs de parcourir les différents paliers du bâtiment. Les acteurs prennent en charge isolément des proférations verbales dont l’objet semble résider dans une saturation du sens par surimposition. Le public se déplace à son gré, passant comme d’un atelier à l’autre, pour goûter les fragments d’un texte qui paraît se dévider indéfiniment. Les différentes positions verbales sont matérialisées de façon suffisamment distancée pour être individualisées, suffisamment proches pour s’entremêler. Chaque acteur tente d’élaborer son personnage en fonction de la teneur théorique, polémique, critique, de son texte.

 

On ne peut se défaire du sentiment d’un grand n’importe quoi, qui résulte d’un amalgame de bouffonneries théorisantes. On assiste à des bribes de dires, relevant d’un travail de la langue qui serait acte du corps et revendication de l’esprit. Une fois installés dans la salle, les spectateurs assistent à des lectures du Manifeste de la danse ciselante. Entre ironie, postulations dérisoires et postures révolutionnaires, les personnages incarnent les propositions loufoques, provocantes et paradoxales de la danse d’esprit lettriste. Les incongruités sont portées à leur maximum de visibilité, déployées dans la diversité de leur figure. La présentation chorégraphique procède d’explorations improbables, rebattues ou novatrices, mêlant dans une composition hétéroclite les figures, les pas, les improvisations et les proclamations théoriques. Le dérisoire des attitudes présentées est en homologie avec la recherche d’une distorsion maximale du sens. Cela induit une injonction de présence distante chez les comédiens, qui ne s’acquittent pas tous avec brio de cette épreuve. Olivia Granville et Manuel Vallade sont, eux, vraiment convaincants. Le propos a ses traits, ses longueurs, son efficace finalement, celle d’un jeu qui porte la réflexivité jusqu’à ses points de rupture.

 

Christophe Giolito

 

Le Cabaret discrépant

d’après Isidore Isou

spectacle de Olivia Grandville

 

avec Vincent Dupont ou Hubertus Biermann, Olivia Grandville, Catherine Legrand, Laurent Pichaud, Pascal Quéneau, Manuel Vallade

Collaboration artistique et lumière Yves Godin ; réalisation de l’installation Michel Jacquelin et Odile Darbelley ; réalisation sonore Karelle Ménine ; réalisation graphique Martin Verdet.

 

A la Colline, 15, rue Male-Brun, 75020 Paris, Petit Théâtre

01 44 62 52 52, http://www.colline.fr/fr/spectacle/le-cabaret-discrepant?page=spectacle

du 25 Janvier 2013 au 16 février 2013, durée 1h15, du mercredi au samedi à 21h, le mardi à 19h (sauf les mardis 29 janvier et 12 février à 20h) et le dimanche à 16h.

 

Production : La Spirale de Caroline, Centre de développement chorégraphique Toulouse / Midi-Pyrénées,Musée de la Danse - Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne, Centre chorégraphique national de Montpellier dans le cadre du programme Domaines, Arcadi, avec le soutien de la DRAC Ile de France, de l’association Beaumarchais-SACD et de La Ménagerie de Verre dans le cadre des Studiolab, avec le concours de Mécènes du Sud, avec l'aide à la diffusion d'Arcadi. Le Cabaret discrépant est un projet lauréat Mécènes du Sud 2010. Remerciements à Fanny de Chaillé et François Chaigneau "pour leur apport original dans cette danse".

Tournée : Festival Latitudes Contemporaines - La maison Folie Wazemmes – Lille, le 15 juin 2012.

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