Un Platonov fougueux et inspiré à l'Odéon

© Benoit Jeannot

Le plateau est couvert par de la terre battue, vaste, disponible comme les chaises et les tables qui sont stockées sur les côtés. Dans le jardin on assiste à des retrouvailles spontanées, qui sont l’occasion de présenter les personnages, lesquels ne manquent pas de délivrer à la cantonade des messages propitiatoires. On assiste aux saillies de Platonov, esprit chagrin, vif et cinglant, quand ce n’est pas vitupérant. Une grande fête met en scène une société qui refuse sa propre image. Progressivement, les états de conscience s’expriment, révélant des personnalités sur la brèche, qui explorent chacune à sa façon ses brisures. A ce jeu le bal est emmené par celui qui, promis à tout, ne se voue à rien. Le personnage central est intéressant, tissu de contractions irrésolues, ivrogne lucide, imprécateur inactif, solitaire père de famille, amoureux inconstamment fidèle, opaque transparence de l’être.


© Benoit Jeannot

La première partie est longue et ennuyeuse, en dépit de l’engagement des acteurs, et de l’atmosphère de fête bien restituée. Puis Platonov, éprouvant l’amère acidité de la lucidité, plonge avec joie dans la facilité. Se succèdent alors des scènes inspirées, alternativement violentes, drôles ou dépressives, mettant bien en lumière la richesse du personnage. Joseph Fourez compose un Platonov attachant, prenant, sublime de simplicité. Fragile, soumis à la cruauté de ses propres actes et à la profonde spontanéité de sa sensibilité, l’écorché sans plaie ne souffre que de vivre de pleine intention. Incapable d’assumer le réel, il en est la conscience à vif, échappant à toutes les déterminations, il est l’objet privilégié du désir. Une belle réalisation, qui magnifie la pièce de Tchekov en lui donnant un élan vigoureux.


Christophe Giolito


Platonov d'Anton Tchekhov, mise en scène Benjamin Porée

avec Lucas Bonnifait, Valentin Boraud, Anthony Boullonnois, Baptiste Chabauty, Arnaud Charrin, Guillaume Compiano, Charles d’Oiron, Emilien Diard-Detœuf, Sophie Dumont, Macha Dussart, Zoé Fauconnet, Joseph Fourez, Tristan Gonzalez, Elsa Granat, Aurélien Rondeau et Benjamin Porée, Mathieu Gervaise

costumes Marion Moinet et Roxane Verna ; création sonore  Charles d’Oiron ; lumière Marie Christine Soma ; traduction Françoise Morvan et André Markowicz (Editions Les solitaires intempestifs, 2004) ; production La Musicienne du silence ; coproduction Odéon-Théâtre de l'Europe, Théâtre de Vanves ; créé le 11 mai 2012 au Théâtre de Vanves


A l’OdéonThéâtre de l'Europe - Ateliers Berthier

1, Rue André Suares 75017 Paris M° Porte de Clichy

Du lundi au samedi à 20h, le dimanche à 15h,

Du 8 janvier au 1er février 2014

Durée : 4h30 avec entracte

Tarifs : de 6€ à 30€

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