Rien de moi, l'amour en points de suspension...

Deux personnes enthousiastes dans une pièce aux murs blancs, sans aucun meuble. Ils se déclarent chez eux. Le vide est tellement apparent que s’impose l’éphémère de leur parole. On s’installe aussitôt dans le registre de l’amour, qui est celui de la fragilité de la grandeur. Le texte, extrêmement dynamique, se suffit : paroles proférées, il y a à les habiter. La puissance des répliques manifeste la crudité amère des choses. L’amour en sa hauteur dit aussi ses douleurs, tellement constitutives. Les dialogues disent toutes choses simplement, mais aussi indirectement. Une écriture biaisée, qui accompagne les actes plutôt qu’elle ne les décrit ou ne les produit. Le propos est construit de façon elliptique, comme en pointillés.

La pièce décrit avec efficace la cruauté acide du bonheur. Les énoncés sont savamment construits ; les personnages parlent souvent d’eux à la troisième personne. Ils débitent leurs répliques de façon froide, intérieure. Comme si des didascalies étaient récitées en chaînées afin d’élaborer une histoire. C’est l’histoire de l’amour de la beauté de son oubli quotidien, de l’aigreur de son souvenir réfléchi. Et cela ne peut pas ne pas finir et puis aussi finir non plus. Alors cela ne dure que de ne pas finir. Arne Lygre donne à Stéphane Braunschweig l’occasion de présenter une froide anthropographie de nos relations. C’est beau et réussi, c’est acerbe comme la vie. On ne sait où le propos nous mène, il est important d’être en suspension entre ces paroles comme parcimonieuses.

 

Christophe Giolito

 

Rien de moi de Arne Lygre
traduction du norvégien Stéphane Braunschweig avec la collaboration d’Astrid Schenka
mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig

Avec Luce Mouchel, Chloé Réjon, Manuel Vallade, Jean-Philippe Vidal

 

Costumes Thibault Vancraenenbroeck ; lumières Marion Hewlett ; son Xavier Jacquot ; collaboration à la scénographie Alexandre de Dardel ; collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou.

 

Création à La Colline, Petit Théâtre, du 01 octobre 2014 au 21 novembre 2014.

Du mercredi au samedi à 21h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h, durée 1h30.

Production La Colline – théâtre national

Le texte de la pièce est à paraître à L’Arche Éditeur.

Tournée Théâtre de la Manufacture – Nancy, du 2 au 5 décembre 2014.

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