Red Pill ou le solde de tout compte de la bien-pensance

Sur qui repose toute grandeur et toute puissance ?
À cette question essentielle – mais bannie de nos jours par les hordes d’hystériques qui pratiquent la cancel culture – il faut répondre L’exécuteur ; pour qui aura lu l’œuvre de Maistre. Car n’en déplaise aux bien-pensants décérébrés nul État ne peut exister sans la menace de la violence, c’est la seule manière d’obtenir l’obéissance car l’exécuteur est cette menace, il brandit la hache…
Ainsi il en va de l’état de nos banlieues, de notre jeunesse, de notre quotidien baignant dans une extrême violence suite à la faillite de l’éducation parentale, du modèle paternel, de l’autorité en générale (celle des profs, des flics, des juges, etc.). Mais attention ! l’exécuteur n’est pas un criminel, c’est un prêtre : l’échafaud est son autel. Il inspire la peur et tout le monde se tient ; ne disait-on pas jadis la peur de l’uniforme ? Un seul gendarme au coin d’une rue et ça filait droit, aujourd’hui on attaque ouvertement la police qui a interdiction de se défendre (sic) ! Or la société a besoin de la peur, l’Homme a besoin de la peur pour se contenir – quoiqu’en dise Camus, un homme ça ne se tient pas, justement, dès lors que l’éducation s’absente.  
Et on la remplace par une pensée unique venue des États-Unis mais conçue par les esprits dérangés de Mai-68, les Foucault et autre Deleuze qui, voyant qu’ils faisaient un flop en France allèrent semer leurs graines putrides au sein des facultés américaines toujours enclines à penser à l’envers sous couvert du Bien… 

Nous voilà donc plongés dans un monde consanguin intellectuellement où tout le monde pense la même chose et s’encourage tout en niant le débat contradictoire quitte à devenir extrêmement violent face à quelqu’un qui oserait penser différemment. Or c’est la différence qui fait l’harmonie, qui complète les Hommes, non la saillie mononucléaire qui abrutit et conditionne l’humain vers un esclavagisme nouveau. Vouloir aider les siens plutôt que les autres fait alors de vous un raciste ; mais comme l’un des protagonistes du livre, oui, j’assume alors d’être raciste parce que je veux être avec mes semblables et vous un saint parce que vous avez l’espoir nostalgique d’aider d’autres peuples éloignés, des réfugiés sympas mais abstraits, ce qui vous évite d’avoir à vous consacrer à quelqu’un ou à quelque chose de réel… 
Quels droits humains ?! Quand parlerons-nous enfin des DEVOIRS humains ; quelle vanité, des droits toujours et encore plus de droits pour un être humain qui n’a aucune importance, aucune légitimité à se prétendre supérieur, qui n’est pas plus utile qu’un aigle ou un récif de corail. Mais tellement plus nuisible, ça oui ! 

Pour tenter de prouver le contraire, un écrivain bobo américain traversant une crise existentielle se voit proposer une bourse d’études à Berlin. Il croit pouvoir s’isoler et travailler à son projet mais le concept de la fondation qui l’accueille le perturbe et il s’adonne à la dérive sur la Toile. Il y découvre Blue Lives, une série policière ultra-violente qui l’hypnotise devant son écran au point qu’il regarde tous les épisodes jusqu’au jour où le hasard lui fera rencontrer le créateur. Il lui imposera alors une série de questions idéologiques qui va le conduire à une totale remise en question. Embarqué malgré lui dans une série d’événements contradictoires, il va tenter de repousser ses certitudes et d’accepter le réel, tel qu’il est et non tel qu’il aimerait qu’il soit. 

Écologiste il ne s’attend pas à accepter le déclin de la Terre et l’émergence de l’IA, ce qui fera de nous, dans cinquante ans, des surplus humains, de simples biomasses non productives vivant sur un revenu universel de base. Tout ce qui compte sera produit par une petite élite cognitive et par l’IA. Morne plaine à venir.
Hari Kunzru fait œuvre de clairvoyance, comme tout bon écrivain, il prophétise ce que tout le monde sait au fond de lui mais refuse d’admettre. Il y a ici un parallèle à faire avec le Cercle de Haenel où le narrateur bifurque un jour en allant au bureau et part à l’aventure, conscient que ce sera la seule chose intéressante de sa vie, loin, très loin de l’univers carcéral de l’entreprise. Il faut donc suivre Sébastien Lapaque et savourer ce qui reste de la beauté du monde avant le grand soir. Pour être heureux il faut profiter des derniers instants car le secret, c’était que toutes nos fins et nos intentions étaient dépourvues de sens, que la vérité de l’existence résidait dans une sorte de violence impersonnelle et sans limites, sans pitié et sans visée d’aucune sorte. La violence n’était ni tragique, ni héroïque, ni atroce, ni excitante, ni juste, ni injuste. Simplement, elle était. 

Livre essentiel pour admettre le quotidien, comprendre le fractionnement de la société civile à venir et les partitions ethno-culturelles qui vont redessiner la carte du monde occidental. 

 

Rodolphe 

 

Hari Kunzru, Red Pill, traduit de l’anglais par Élisabeth Peellaert, Christian Bourgois éditeur, avril 2021, 366 p.-, 23 €

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