"Velum", A la recherche du temps perdu... à lire ce livre!

Le paradis en guerre

 

Velum constitue le premier volume d’un dyptique, Le livre de toutes les heures. Le sujet en est simple : les Amortels - humains ayant en eux une part de divinité - comptant parmi eux les anges, sont divisés en deux clans, l’Alliance et les Souverains. Or une guerre est sur le point d’éclater et chacun est sommé de choisir son camp. Y compris des amortels qui ne sont pas encore pleinement conscients de leur nature profonde, telle la jeune Phreedom Messenger -  on m’informe que Bill Gates ne va pas tarder à vérifier si l’auteur n’utilise pas indument ce nom d’une grande originalité… -  qui recherche son frère Tom. Mais la jeune femme voit arriver l’ange Métatron, accompagné/suivi de ses sbires : elle n’aura bientôt plus le choix… d’autre part, tout semble prévu dans le livre de toutes les heures, dont d’aucuns cherchent à mettre la main dessus pour le réécrire (et donc réécrire la réalité).

 

Roman touffu, Velum reprend des thématiques déjà exploitées ailleurs : la guerre des dieux renvoie aux œuvres de Zelazny (Seigneur de lumière, que j'ai chroniqué récemment) et Neil Gaiman (American Gods), le thème des univers parallèles rappelle le multivers de Moorcock (les cycles du champion éternel). Le Velum est quant à lui un concept de nature floue, rattachable au tissu même de l’univers qui donnerait naissance aux mythes de l’homme - ils y trouvent aussi refuge quand l’humanité ne croit plus en eux et les abandonne. Rien de nouveau donc mais le problème est ailleurs : pourquoi Velum agace-t-il (ce qui peut s’avérer positif) et ennuie-t-il (là, par contre, on touche aux limites de l’exercice) ?

 

Comment perdre un lecteur

 

Au bout de 800 pages, le lecteur ne sait en effet plus à quel saint se vouer et peine à mesurer les enjeux derrière Velum. Hal Duncan ne manque pourtant pas d’ambition et a amassé beaucoup de documentation sur les mythes sumériens, grecs, celtes ; en bon « méta romancien », il multiplie les références, qu’elles soient musicales - il cite les Rolling Stones, les Doors, Jimi Hendrix, U2, Janis Joplin - ou littéraires - pêle-mêle, les allusions à Lovevraft, Moorcock et d’autres parsèment le récit. A défaut d’être original, Duncan, au moins, est un maître du name-dropping ! Il reste que la nature même des personnages (Phreedom, Tom, Finnan, l’ange Métatron, Jack Carter) reste insaisissable, tout comme l’histoire d’ailleurs. L’auteur ne cesse de les redéfinir, comme les « bitmites » (des nanites issues des nanotechnologies ? ça reste flou) cherchent à « réécrire » la nature des Amortels capturés pour les faire correspondre aux vœux de Métatron.

 

Il semble évident que le second volume, Encre, apportera pas mal de réponses aux questions de Velum. En ce cas, ce dyptique ne peut séduire que des lecteurs extrêmement patients !

 

Sylvain Bonnet

 

Hal Duncan, Velum, Gallimard folio sf, traduit de l’anglais (Ecosse) par Florence Dolisi, septembre 2012, 832 pages, 10,90€

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1 commentaire

"ce dyptique ne peut séduire que des lecteurs extrêmement patients !" délicat euphémisme pour dire que ce bouquin  peut servir, soit à caler une armoire, soit à s'endormir en cas d'insomnie chronique, soit les deux alternativement, si on aime la musculation nocturne...