Giono : beaux mensonges et réalité

Dimanche dernier, à la belle foire du petit village d'Ongles, dans le 04, où je baguenaudais sur l'espace dédié aux métiers du livre et de l'écriture, je fis la rencontre inopinée d'un parfait inconnu comme je les aime : engageant directement la conversation. Conversation, au cours de laquelle, de fil en aiguille, celui-ci en vint à évoquer les beaux mensonges de Jean Giono.
Et il me raconte, entre autres, qu'un fervent lecteur tel jour en visite au Paraïs – était-ce lui ? – aurait ainsi déclaré sa flamme à l'écrivain : Ce que vous écrivez ou racontez est toujours tout à fait si bien inventé ! Ce qui n'est rien de rare, au fond, comme remarque.
Mais, comme on peut s'y attendre, la répartie de Giono l'est bien davantage puisqu'il lui aurait aussitôt très sérieusement rétorqué, l'index en l'air  : Tout en pouvant tout aussi bien être vrai ! , semant ainsi de belle manière le plus grand trouble sur la nature de la réalité quand celle-ci se trouve aux prises – ou en proie plutôt ! – avec la puissance verbale d'un conteur né ou le fabuleux pouvoir d'un art d'écrire quand celui-ci est pratiqué, dirons-nous, de science infuse !
Vision paradoxale – schizophrénique un peu ? – qui, c'est bien connu, valut pas mal de reproches et d'ennuis réels plus ou moins graves à Giono tout au long de sa vie, mais, d'un autre côté, lui obtint cependant, pour finir, une incontestable gloire littéraire !
Bienheureux ceux qui marchent dans le fouettement furieux des ailes de l’ange.
Et : Bienheureux quand l’ange vous soulève et qu’on ne sait plus bien si les ailes sont à lui ou à vous-même, constate-t-il éloquemment, quelque peu en marge de l'œuvre, dans ses Carnets.

André Lombard

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