Constant Rey-Millet-Fiorio Serge – L'amitié en partage

Innombrables sont les relations et les liens d'amitié noués entre artistes plus ou moins importants du XXe, toutes catégories, âges et talents confondus, dont l'Histoire de l'art officielle ne se préoccupe pourtant pas et ne pipe donc jamais mot, se bornant à tresser des lauriers en guirlandes, colliers, couronnes ou cerceaux, à destination d'environ trois douzaines d'élus seulement, accolées à trois autres se trouvant être également à peu près toujours composées des mêmes célébrités d'une décennie à l'autre ; le tout (et pour tout !) consensuellement rabâché ensuite un peu partout à l'envi en ritournelle et itou exploité à fond, pardi ! Ce que, bis repetita placent, le grand public adore fort moutonnièrement !
D'où, en foi et en forme de perpendiculaire dissentiment de ma part, la présente petite chronique-témoignage passablement à contresens de ce fâcheux mouvement général...

André Lombard

         Portrait de Serge Fiorio par Constant Rey-Millet, début des années trente.

C'est Giono, venu en vacances chez nous rue des Arcades, à Taninges, qui parla de mes premières œuvres à Constant Rey-Millet, le peintre de La Tour. Voulant se rendre compte de visu de ce que Giono lui avait dit et raconté, il vint sans tarder à Onnion où (l'un de nos baraquements de chantier y faisant office d'atelier) je travaillais en équipe à la réfection d'une route, dessinant et peignant, surtout les jours de mauvais temps, mais aussi souvent que je le pouvais.
Ma foi, lui aussi ne fut pas déçu, bien au contraire, par mes premiers travaux d'artiste.
Étant d’une grande simplicité naturelle, ne me trouvant sans doute pas compliqué non plus, nous devinrent tout de suite facilement amis et, dès lors, il ne cessa de s’intéresser à ce que je peignais.

En 1934, dans le but de me préserver après que, sur sa demande, j’eus peint son portrait à Manosque, Jean m’envoya une série de lettres aux recommandations, étant Giono, passablement exagérées ! afin de me mettre en garde contre certains dangers. Concernant Constant, il m’écrivit alors sans ambages :

Constant me fit rencontrer, venu à Taninges avec son épouse Jeanne, fille du poète Paul Fort, le futuriste italien Gino Sévérini d’un abord très gentil, mais au fond trop intellectuel et théoricien pour que nous accrochions ferme ainsi que le critique d’art Georges Besson et l’écrivain Jean-Marie Dunoyer, les peintres René Auberjonois, Roger de La Fresnaye, Jean-Louis Gampert tous excellents, et reconnus aujourd’hui avec qui, conduit jusque chez eux par lui, j’ai fort sympathisé plusieurs fois dans leur atelier, sans cependant poursuivre au-delà la relation avec aucun d’entre eux.

Par contre, de temps à autre, j'avais grand plaisir à prendre le petit train de la ligne Annemasse-Sixt ; j'en descendais à Saint-Jeoire et, de là, je marchais en pleine campagne en direction de La Tour, jusqu’à son atelier à lui, construit par son père au beau milieu d'un verger.
Constant étant un esprit fort curieux et très fin, fin lettré aussi, nous y échangions beaucoup sur bien des sujets, tandis qu’il peignait ; tout comme au cours des repas pris ensemble, le plus souvent en compagnie de sa maman et de son frère Jean qu’il aimait tous les deux beaucoup, autant que la peinture !

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