L’obsession de la peinture selon Jean-Louis Bentajou

L’œuvre et le travail de Bentajou, sa réflexion aussi, sont de fantastiques leçons de peinture : elles dégagent le langage picturale de la perspective et d’un certain théâtre au profit d’une toile "de fond" dans la recherche de ce qui est encore dans l’insaisissable et qu’il convient de ramener à la surface au moyen de formes dégagées des choses.
Et ce afin d’atteindre un autre domaine : celui que Beckett nomme "la choséité et de la peinture" et que seuls peuvent atteindre les abstracteurs non du réel mais de la quintessence de la peinture elle-même. Et ce au moment où les couleurs deviennent non des simples tons mais des forces "qui se mesurent les une aux autres", écrit l’artiste dans ses notes et confidences passionnantes.

L’artiste et sa compagne (pour ce livre majeur) montrent comment l’horizon de la peinture s’élargit. Les diverses étapes de l’œuvre échappent à la simple idée de projet. Il s’agit d’oublier tout ce qui a déjà été atteint - tout en s’en nourrissant - pour aller dans l’inconnu afin découvrir du nouveau.
À savoir l’insaisissable que tout créateur rêve d’atteindre en ne se limitant plus à la tache ou au trait comme l’ont proposé Pollock, Hartung ou Bram van Velde. Ils ont sans doute orienté la recherche de Bentajou mais il a su les outrepasser en se nourrissant aussi des Malewicz, Kandinsky, Mondrian mais sans se perdre dans des théories dont la peinture serait l’incarnation. Son projet est plus ambitieux : chercher dans le tableau ce qui est encore incontenable.
Le cadre est donc un "pays sans frontière" que l’artiste a pour but de découvrir et de faire connaître sous forme d’images naïves et sourdes là où l’émotion est non celle des choses mais du rose ou du bleu non dans mais de la peinture.

 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Jean Louis Bentajou, Le Bleu des lointains, précédé de Lointain de la couleur par Bernadette Engel-Roux, L’Atelier Contemporain, octobre 2017, 168 p., 25 euros.

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