Philip Fagan : belles de nuit

Refusant toute théâtralisation outrancière, Philip Fagan sort de la nuit un monde mélancolique vu non par ceux qui en jouissent mais celles dont le travail est de vendre leur corps. Les portraits font penser au titre de Michaux de "Façon d’éveillé(e)s, façon d’endormi(e)s" tant les femmes dans un ensemble fascinant de photos intimistes en noir et blanc, ni ne jouent la comédie face à l’appareil photographique, ni n’exhibent avec ostentation la "matérialité" de leur être.
Elles sont là au cœur d’un quotidien qu’elles doivent supporter. Une intimité paradoxale apparaît. Les égéries restent de belles étrangères qui dans la chambre noire feignent d’être les insouciantes qu’elles doivent paraître pour appâter le client.

La photographie devient picturale avec des relents d’un néo-classicisme à la française. Ingres n’est pas loin avec son goût pour les textures des étoffes, pour les courbes et les drapés réalistes. Certains portraits rappellent "La grande odalisque". Le photographe opère une synthèse entre ses impressions et les sentiments vécus par ses modèles. Exit le fétichisme et la magie attribuée au monde nocturne. Les "anges tutélaires" qui permettent de disséquer l’amour.
Les pécheresses avisées dans l’excavation du corps en cargaisons sans chaleurs exsudent leurs visages de cendres.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Philip Fagan, The business of pleasure, drkrm Editions, Los Angeles, 68 p., 25 $.

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