Scénariste ("Kids") et réalisateur ("Gummo", "Julien Donkey-Boy"), Harmony Korine est un des artistes  signifiants de sa génération. Il impose son style et collabore avec d’autres créateurs (Christopher Wool, Brian DeGraw, Gus Van Sant, Mark Gonzales) en jouant de plusieurs genres de l’abstraction au vaudeville en y mixant  des espaces sonores black metal ou ambient.

Il reste plus connu pour ses films mais ses livres sont tout autant intéressants.
"Pigxote" rassemble 49 photos tirées de ses archives et révèle un aspect méconnu de son œuvre. Il saisit une jeune fille mystérieuse qui évolue et semble immergée dans un univers télévisuel mais tout autant au sein d’un contexte énigmatique. L’artiste transforme une narration en ce qu’il nomme des "moments expérimentaux" dans lesquels  la jeune femme n’est saisie que par fragments en une recherche plus ludique qu’érotique même si le charme conserve sa place.

La manifestation de la semi nudité prend un grain particulier : celui qui perdure sur le papier et devient important que celui de la peau elle-même. L’impression de la nudité et ses graines de sensualité reçoivent un aspect sinon plus intime du moins plus profond. La photographie dans sa manière ne se cache plus derrière un sujet qui par excellence la vampirise.

Les techniques de prise mais aussi le tirage gardent une part spécifique dans l’aventure plastique du photographe. Aux effets de lumière s’ajoute cette qualité particulière du grain. L’image tend à se libérer des formes et apporte un autre frémissement à celle plus pesante des représentations classiques de la nudité.  Le photographe la dégage du temps par cette étrange matérialité de l’impression : il s’agit de faire remonter le noir comme à travers un feuillage selon un dispositif qui permet d’englober autant le motif que le travail. Le lieu offert devenant "sourd" au simple fantasme ; la nature même de l’image trouve là un rôle particulier.

Jean-Paul Gavard-Perret

Harmony Korine, Pigxote, Nieves, Zurich, 96 pages