Sylvie Aflalo-Haberberg : le début de la faim

Dans l'œuvre de Sylvie Aflalo-Haberberg le visage n'existe pas. Pour autant les êtres ne sont pas réduits à l'état de fantômes. C'est comme si chaque portrait était rempli de visages secrets. C'est une manière afin que le "moi" de l'artiste entre en scène tout en cédant sa place.

C’est étrange. Mais en même temps plus rien ne s’agite, bavarde, est belliqueux. L’image alourdie de douleur reste légère en ses cachettes. Chaque femme demeure à la porte. Refuse de se montrer. Du moins en totalité.

Rebelle aux ordres, indomptée, mais douce, pacifique et secrète Sylvie Aflalo-Haberberg fait qu'à mesure elle se cache s’éclaire l’obscurité. Existe dans de telles images des profondeurs inédites là où les corps érotisés s’enivrent d’être roulés par des vagues qui reviennent.

Les cheveux sont des encres de seiche, des encres de nuit. Affleurent des pensées, un silence, une onde solitaire remontant le courant. Existe toujours l’inquiétude sous le plaisir encore espérée mais que le pudeur tait.
Les femmes restent seules, debout, assises, couchées comme aspirée par  un pays d’essence plus haute ou plus sensuelle où elles auraient voulu vivre et qu'elles ont perdu.

Pourtant, tels des pietà, elle y sont engagée comme sur une terre nouvelle qui accueille les errants. Mais rien pour les apaiser. Peut-être savent-elles que porte passée, frontière franchie,  le pays de l’autre pays ne serait pas aussi remarquable qu'elles l'espéreraient.

Tout est fait de solitude et d’espaces figés. Il ne s’agit alors que de regarder et d’écouter l’absolu silence qui s’esquisse  au bout des errements. La photographie devient signe et substance d’un manque qui se ressent cruellement. lorsque le désir n'est pas suivi de ce qu'il promet.
Les images ne se nourrissent ni de roses ni d’oiseaux, ne boivent pas la rosée des fleurs: elles aiment les femmes qui n’ont pas de visage mais faim de baisers. Hors champs : les hommes qu'elles attendent. L’amour semble caché mais apparaît  aux interstices insolents de certaines étoffes intimes. L’amour montre alors l’intérieur de l’âme sous le noir et le vide.

Jean-Paul Gavard-Perret

Sylvie Aflalo-Haberberg, Tu me vois, Librairie Tschann, 125 bld Montparnasse, Paris VI et sur le site de la photographe

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