Nobuyoshi Araki le sulfureux

Pour Araki il y avait dans l'art trop de robots et pas assez de chair. Mais il a toujours su rétablir l’équilibre. Voire au delà ne nos espérances. Comme il le rappelle dans cet imposant recueil chronologique de ses séries doublées d'anecdotes, chair humaine (féminine) et pulpe des fleurs sont des épitaphes contre la fin du monde.
Cela n’est pas nouveau chez lui : 
« À peine sorti du vagin de ma mère, je me suis retourné pour le photographier ! » déclarait-il avec son humour.

Sidéré par le sexe, le désir, la vie et la mort, pour l’artiste la femme est le seul sujet (avec les fleurs qui lui servent de métaphores) : elle est captée libre ou ligotée par celui qui reste un des maîtres du bondage nippon contemporain.
Il a trouvé dans Kaori sa dernière muse une façon d’oublier Yoko Aoki l’épouse dont il raconta en image le voyage de nonce comme celui du départ.

Le bondage reste pour lui un moyen de ficeler le réel plus que ses modèles :
« C’est parce que les âmes sont intouchables que je veux ficeler le visible. En prendre possession pour moi seul» dit celui pour lequel le médium et les techniques de prises deviennent les préliminaires de l’amour. Preuve que la femme pour elle n’a rien d’un spectre.

Néanmoins chaque photographie devient un moment d’opération pour atteindre la complétude qui porte au delà de la souffrance. Surgissent le silence de l’âme et surtout le bruit de l’inconscient qui trouvent enfin ses propres images. Le désir sort par le ventre, le visage. Il a besoin dans une telle œuvre d’espace et de rencontre. Il ne se complait pas en lui-même.
Le corps en déborde.
Et Araki fait entrer dans de flux d’existence en osant souvent transgresser bien des limites. 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Nobuyoshi Araki, La leçon de photo intégrale, traduit du japonais par Dominique Sylvain et Frank Sylvain, Atelier Akatombo, novembre 2018, 288 p.- , 22 euros

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