"Canisse" d'Olivier Bleys, que d’eau dans un verre à moitié vide !

Un « space opera » d’inspiration classique

Xhan Eloytim vient d'être mis d'office à la retraite, contre son gré suite à une décision bureaucratique. Garde-pêche, il sillonnait l'univers avec comme mission d'empêcher les braconniers de piller les océans des planètes nouvellement découvertes. Retraité, il se rend compte que sa vie est plutôt creuse : Il a peu d’amis, ses tentatives pour renouer avec son amie d’enfance s’avèrent vaines. Après avoir appris qu’il était gravement malade (et refusé tout traitement), il finit par tromper l'ennui (et la mort ?) dans les bars jusqu’à ce qu’il rencontre Moox, pilote employé sur  les Grandes Lignes interstellaires, qui lui parle du mégathalos, un poisson inconnu aux dimensions gigantesques qui vit sur une planète océan, Canisse, pas encore intégrée au sein de la civilisation humaine. Intrigué et sceptique, Xhan suit Moox qui lui montre sa preuve : l'œil d'un de ces poissons géants entreposé dans un hangar.  Il décide alors d’entreprendre le voyage vers Canisse. Il découvre rapidement que, pour une planète à l’écart de l’espace connu, nombre de gens, qui lui ressemblent, font le voyage, irrésistiblement attirés… par quoi ?

Canisse est la première incursion dans le domaine de la science-fiction d'Olivier Bleys, auteur de 17 autres ouvrages parus dans des collections « mainstream », dont certains traduits à l’étranger. L'auteur a voulu, sur un mode mineur, concevoir un livre univers sur le modèle de Dune et des cycles de Jack Vance (La planète géante, le cycle d’Araminta). On sent particulièrement les efforts fournis pour donner de la crédibilité et de l’épaisseur au monde-océan sur lequel finit par échouer le personnage de Xhan. Pourtant, Canisse est un livre plein de promesses qui reste, au final, insatisfaisant.

Un problème de structure

La trame de l'histoire apparaît rapidement à la lecture assez bancale. Le début du livre, qui présente Xhan et la civilisation dans laquelle il évolue, est rapide, trop rapide. Par la suite, l’enchaînement d’évènements qui amènent Xhan sur Canisse continue sur ce rythme frénétique, précipité qui donne l’impression que l’auteur a bâclé cette partie de son roman. Sans parler de la fin qui a recours à un expédient — les mutations — en décalage avec une intrigue d’inspiration plutôt écologique et mystique. On ne peut que le regretter car, entre le début et la fin, ou plutôt quand Xhan évolue sur Canisse, le roman se dévore d'une traite et l’intrigue est beaucoup plus efficace. Certaines scènes sont réussies : ainsi la séquence centrale de la pêche du megathalos, qui vire au tragique ; de même pour la partie entre le canissien Goel et sa sœur mourante. Portons au crédit du livre des descriptions dotées d’un certain lyrisme qui, pour le coup évoquent vraiment Jack Vance. Enfin, certains personnages secondaires intéressants comme la braconnière auraient aussi mérité un développement plus conséquent. Idem pour le supérieur de Xhan, dont l’importance paraît escamotée entre le début et la fin du roman

Il n’empêche que la structure de l'histoire aurait gagné à être développée. Les annexes présentes à la fin du livre, décrivant et analysant la vie des indigènes de cette planète océan, trace d’une dimension anthropologique par trop fugace, prouvent bien l’ambition initiale de l'auteur et sont finalement sources de frustrations. Canisse n’est finalement qu’une esquisse. On ne peut que le regretter car, quitte à vouloir écrire un livre univers, autant chercher à rédiger un vrai pavé, rempli de vie et de rebondissements…  

Reste en tout cas un livre qui n’est pas sans charme pour une lecture dans le train. L’écriture d’Olivier Bleys est efficace et démontre un certain métier : on espère que sa prochaine tentative dans le genre sera plus aboutie.

Sylvain Bonnet

Olivier Bleys, Canisse, Gallimard, « Folio SF », 205 pages, Septembre 2010, 5,60 €

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